Comment Ouihelp réinvente l’aide à domicile

Le nombre de personnes âgées dépendantes s’apprête à exploser en France. Mais le marché de l’aide à la personne est très mal préparé pour répondre à leurs besoins. Pourtant des solutions simples et efficaces existent. Démonstration par Pierre-Emmanuel Bercegeay, co-fondateur de Ouihelp.

 

10 milliards d’euros : c’est le montant colossal du marché de l’aide à la personne en France. Mais aujourd’hui ce marché, en forte tension, peine à recruter.

D’après un rapport sorti fin octobre, il faudrait créer 93 000 postes d’auxiliaires de vie pour répondre à la demande dans les quatre années à venir. Or le projet de loi de finances actuellement en discussion n’en prévoit que 5200. Très insuffisant quand on sait que le nombre de personnes dépendantes en France, de l’ordre de 1,5 million aujourd’hui, devrait exploser dans les années à venir.

Pour ne rien arranger, c’est un secteur très mal structuré : ses métiers sont régis par six conventions collectives, dont deux prévoient des salaires pour débutants inférieurs au SMIC.
À sa décharge, il est éclaté entre une multitude d’acteurs. Les particuliers, qui embauchent directement leurs auxiliaires de vie, en représentent l’essentiel. Viennent ensuite les fédérations UNA et ADMR, qui regroupent 3000 associations locales, avec autant de modes de fonctionnement différents : cogérées par des professionnels et des bénévoles, leur efficacité opérationnelle est faible.

Pas de GAFA de l’aide à domicile

Enfin, le secteur privé, le plus dynamique, est en très forte croissance depuis l’adoption de la loi Borloo en 2006, qui a permis l’éclosion d’entreprises privées. « Mais celles-ci restent de petite taille, le leader réalise 1 à 2 % de parts de marché, le marché est donc extrêmement fragmenté », observe Pierre-Emmanuel Bercegeay, cofondateur de Ouihelp, une société d’aide à domicile pour personnes âgées dépendantes, lancée en juin 2016.

L’intérêt de l’aide à domicile en termes économiques est non négligeable. Contrairement à d’autres secteurs d’activité, les emplois ne sont pas délocalisables. Ils ne peuvent pas non plus être récupérés par les mastodontes de la Silicon Valley, car la proximité avec le terrain reste essentielle : « Dans ce secteur, des plateformes centralisées sans contact humain ne peuvent pas fonctionner, et l’intelligence artificielle n’y changera rien. »

Tous ces avantages devraient séduire les investisseurs. Et pourtant, ils ne se précipitent pas car le secteur est soumis à une très forte instabilité réglementaire. « C’est paradoxal : d’un côté, la structuration de ce marché est une priorité nationale pour répondre à l’explosion démographique de la dépendance. De l’autre, les pouvoirs publics changent les règles du jeu tous les deux ans. »

Un couple qui tient dans la durée

Cela n’a pas dissuadé Ouihelp de mettre au point sa propre solution. Mais là où la plupart des entreprises emploient directement les auxiliaires de vie, chez Ouihelp, ce sont les bénéficiaires qui les emploient : « À cause de la complexité du droit du travail et des lourdeurs opérationnelles, les conditions de travail et la rémunération des auxiliaires de vie dans les entreprises classiques se détériorent. Chez nous, la rémunération est revalorisée de 10 à 15 %, les conditions de travail s’améliorent, grâce à nos équipes très attentives sur le terrain : le bénéficiaire ne va pas voir défiler quinze auxiliaires de vie au cours du mois, le couple aidant / aidé va tenir dans la durée. »

Autre innovation du modèle Ouihelp : l’automatisation des innombrables processus opérationnels à faible valeur ajoutée qui entravent l’activité des entreprises. « Les entreprises passent la moitié de leur temps à faire de l’administratif, à gérer des centaines de plannings, à facturer et à préparer les bulletins de paie. En les automatisant, nos collaborateurs passent plus de temps sur le terrain, au contact des bénéficiaires, de leurs familles et des auxiliaires de vie. Les effets sont multiples : adaptation des plans d’accompagnement, soutien aux aidants familiaux, services annexes pour améliorer les conditions de maintien à domicile, coordination avec d’autres corps de métier, etc. Ce suivi de proximité est rendu possible par l’automatisation des process. »

Preuve que les choix effectués par les équipes de Ouihelp sont payants : trois ans après son lancement, la startup emploie 85 salariés et fait travailler 450 auxiliaires de vie sur le terrain.
L’année dernière, elle a levé des fonds pour financer sa R&D. Ils serviront à améliorer son algorithme de matching, pour que les bénéficiaires trouvent les auxiliaires de vie les plus adaptés à leur situation, ainsi que ses algorithmes de télégestion.

À terme, Ouihelp souhaite se développer dans la quasi-totalité des grandes villes françaises, pour que le plus grand nombre puisse bénéficier de ses services et que les auxiliaires de vie vivent correctement du métier qu’elles ont choisi.

 

Tout savoir sur Ouihelp

 

Pascal de Rauglaudre

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