Ferrari ré-invente ses relations avec ses parties prenantes

Fabricant de matériaux composites souples depuis 1974, l’entreprise familiale iséroise Serge Ferrari, aujourd’hui dirigée par les fils du fondateur, emprunte de nouvelles voies pour continuer d’innover. Romain Ferrari nous les décrit.




Rappelez-nous en quoi les produits Ferrari sont innovants et quelles en sont les principales applications ?

Nous fabriquons des toiles en matériaux composites à la fois très souples et résistantes, écologiques car recyclables, utilisées sur trois principaux segments de marché : en architecture, notamment sur des stades et des enceintes culturelles, ou encore comme protection solaire ; pour des usages professionnels industriels ou agricoles qui recourent à des membranes étanches, telles que les réserves de biogaz, et enfin pour des applications plus grand public telles que du mobilier outdoor ou des protections pour la navigation de plaisance.

Vous vous êtes introduits en Bourse il y a quelques mois. Pourquoi ce choix ?

Nous avons procédé à une augmentation de capital et avons choisi la Bourse en cette période de frilosité des banques, et sachant que notre ancienneté et notre solidité nous permettent de le faire dans de bonnes conditions. Ces fonds vont nous servir à accélérer notre développement commercial dans certains des 80 pays où nous sommes présents, et de continuer d’innover avec de nouveaux produits et procédés.


Comment faites-vous pour continuer à innover depuis bientôt 50 ans ?

Comme pour nombre d’entreprises nées dans les années 1970, l’innovation nous a permis de creuser des singularités par rapport à nos concurrents, donc de pouvoir vendre des produits plus cher, mais nous avons aussi continué à inventer de nouveaux concepts et même de nouveaux territoires de marché. C’est le cas par exemple lorsqu’à partir d’un même matériau, on passe d’un store solaire à une façade micro-climatique. Nous avons aussi imaginé des membranes pour les stations de traitement des eaux et de fabrication de biogaz, pour la pisciculture ou encore pour des systèmes constructifs. Ces structures modulaires et légères, qui peuvent se placer, où l’on veut, quand on veut, sont particulièrement adaptées à des fonctions de stockage pour des grandes surfaces, des usines ou de l’événementiel.

Comment êtes-vous organisés en interne pour favoriser l’innovation ?

De la conception de nos produits jusqu’à leur rénovation, nous nous efforçons d’innover. Mais, contrairement à de nombreux industriels qui croient – à tort – qu’ils opèrent encore sur des marchés en expansion, nous ne nous contentons plus d’une approche linéaire de l’innovation. L’enjeu aujourd’hui, c’est plutôt de transformer notre métier, notamment dans nos relations avec nos clients ou les autres parties prenantes. C’est le vrai niveau d’innovation auquel il faut réfléchir.
Trois cellules sont dédiées à l’innovation, deux qui fonctionnent en push, pour la R&D sur les produits ou l’invention de nouveaux concepts, et une qui fonctionne en pull. Celle-ci se compose des cinq « global sector managers » (GSM), qui en s’appuyant sur l’ensemble du réseau commercial, réfléchissent en permanence aux applications finales de nos produits dans le secteur dont ils ont la charge, par exemple les parcs de loisirs, les sports, la logistique… partout ils essaient d’identifier des opportunités de développement là où la souplesse, la légèreté et la performance de nos produits peut faire la différence avec d’autres types de matériaux. Ce travail se fait en partenariat avec les clients de nos clients. C’est de cette façon que nous avons par exemple développé des produits adaptés aux croisiéristes.

Vos clients aussi fonctionnent de façon originale, ils sont regroupés au sein d’un club…

Oui, ce sont les Experts Serge Ferrari. Depuis 30 ans, ils collaborent sur des approches marketing, des développements de concepts, de l’innovation produits… Cela représente une soixantaine de PME de 4 à 10 salariés, et ces quelque 300 personnes ensemble constituent le plus gros confectionneur français. C’est comme la biodiversité, cela permet de ralentir l’extinction d’espèces qui survient lorsque 2 ou 3 leaders écrasent les autres.

Quelles étaient vos motivations lorsque vous vous êtes lancés dans le recyclage de vos produits ?

Nous avons déposé les premiers brevets en 1998 et ouvert notre usine de recyclage 10 ans plus tard. Le procédé que nous utilisons est le fruit d’une innovation collaborative menée avec Solvay.
Nous pensions à l’époque que ce type de produits (des composites fabriqués à partir de matières plastiques et à la durée de vie limitée) pourraient un jour être montrés du doigt. Nous facturons 450 € la tonne de produits collectés (le gate fee), et revendons ensuite la matière primaire secondaire issue du recyclage de nos propres produits et ceux des autres fabricants européens, dont nous sommes sûrs qu’ils respectent le règlement REACH. Mais c’est très coûteux de recycler un composite car il faut d’abord le décomposer et malgré ces deux sources de revenus, cette activité n’est toujours pas rentable.

Regrettez-vous ce choix devant l’absence de rentabilité à ce jour ?

Nous y avons gagné un positionnement particulier sur le marché, reconnu par les grands donneurs d’ordres (qui prescrivent les solutions de nos clients), dont certains exigent des matériaux recyclés dans le cadre de leur politique RSE, à l’instar de JC Decaux, certaines chaînes d’hôtels, Club Med, l’organisation des Jeux Olympiques…Ramené au coût total de l’ouvrage, celui du matériau recyclé est anecdotique. Mais le recyclage de ces matériaux n’est toujours pas obligatoire en France et les matières premières secondaires se vendent mal malgré leur qualité et leur bénéfice environnemental. Peu de marchés sont aujourd’hui sensibles à ces arguments. Nous pensions que les choses iraient plus vite. Comme les producteurs d’énergies renouvelables ou les adeptes de l’agro-écologie, nous sommes fiers de nos choix mais aujourd’hui ces activités souffrent. Tout le monde attend la fin de la crise, mais cela n’en est pas une si l’on en juge par sa durée. Nous sommes en réalité dans un changement de modèle qu’on ne veut pas assumer. C’est précisément pour cela qu’il faut innover différemment.

GROUPE FERRARI

Dominique Pialot & Pascal de Rauglaudre



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