Les algues : une alternative aux pesticides

Avec sa solution de biocontrôle à base d’algues, Laurent de Crasto, cofondateur de la startup ImmunRise, veut bousculer l’industrie des produits phytosanitaires.

C’est une découverte très prometteuse qui pourrait révolutionner l’agrochimie : la startup bordelaise ImmunRise a identifié il y a un an une micro-algue capable de lutter contre les champignons responsables des principales maladies qui affectent les cultures grandes consommatrices de pesticides de synthèse en France, comme la vigne, la tomate, la pomme, la pomme de terre, le blé, voire la banane.

D’après les premiers tests réalisés in vitro avec le soutien de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) à Bordeaux, cette micro-algue qui produit des molécules aux vertus biopesticides afficherait une efficacité de 100 % contre le mildiou, de 50 % contre le botrytis, la fameuse « pourriture grise », et aussi contre l’esca, une maladie du bois qui décime les vignobles du monde entier. « Avec un seul traitement, le viticulteur peut agir sur trois maladies de la vigne, insiste Laurent de Crasto, cofondateur d’ImmunRise, ingénieur agronome et serial entrepreneur. Autre avantage : la molécule produite par la micro-algue est biodégradable et sans danger pour la plante et l’environnement. »

L’algue est cultivée pendant quinze jours dans l’eau de mer, puis récupérée sous forme de pâte, séchée et transformée en poudre. Mélangée avec de l’eau, elle peut être épandue sur les vignobles avec des outils de pulvérisation classiques.


Le biocontrôle à la rescousse des agriculteurs bio

Les solutions de biocontrôle, comme les biopesticides et les biofertilisants, sont très attendues par les viticulteurs et les agriculteurs qui se sont convertis en bio. En effet, les traitements utilisés jusqu’à présent montrent leurs limites.

L’arsénite de sodium, trop dangereux, a été interdit par l’Union européenne en 2001. Quant à la fameuse bouillie bordelaise, à base de sulfate de cuivre, l’un des seuls moyens autorisés en agriculture biologique pour lutter contre le mildiou et l’oidium, elle n’est pas biodégradable, et le cuivre, un métal toxique, se concentre dans le sol.

« Les rares techniques disponibles en bio sont en train d’être rabotées. La réglementation sur la bouillie bordelaise est en train de se durcir, les quantités de cuivre par hectare sont revues à la baisse, poursuit Laurent de Crasto. Or les vignerons bio n’ont pas d’autres solutions pour soigner le mildiou, le besoin d’alternatives va se faire sentir. »


Faire ses preuves sur le terrain

Ce qui fonctionne bien en labo doit cependant faire ses preuves dans le vignoble. « Avec Lionel Navarro, mon associé, chercheur à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure, nous avons breveté notre découverte en juin et nous sommes en train d’identifier les molécules fongicides produites par cette micro-algue, explique Laurent de Crasto. Nous allons tester la molécule en plein champ à partir d’avril 2017. » Il leur faudra aussi prouver que la culture de cette algue peut être industrialisée et attendre encore quelques années l’autorisation de mise sur le marché.

Une longue course d’obstacles au bout de laquelle ImmunRise espère bien démontrer que ses solutions de biocontrôle peuvent bouleverser l’industrie des produits phytosanitaires, d’abord dans le vignoble, puis dans les autres cultures. Avec à la clé de la réindustrialisation et des créations d’emplois.

IMMUNRISE

Texte Pascal de Rauglaudre

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