Le métier de lobbyiste enfin reconnu par la loi

Fin 2016, une nouvelle loi sur la transparence de la vie économique a été adoptée. Quelles en sont les conséquences pour les entreprises ? Les explications de Capucine Fandre, présidente de la société Séance publique, spécialisée dans le conseil en affaires publiques et membre d'Entrepreneurs d'avenir.


En décembre 2016, l’Assemblée nationale a adopté la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Capucine Fandre, présidente de la société Séance publique, spécialisée dans le conseil en affaires publiques, explique dans quelle mesure cette loi va transformer les relations entre les entreprises et les décideurs publics.

Entrepreneurs d’avenir – Quel est l’esprit général de la loi Sapin 2 ?

Capucine Fandre – Cette loi vise à moderniser et à rendre plus transparentes les relations entre les entreprises et les pouvoirs publics au sens large, c’est-à-dire le Parlement, les ministres, les cabinets ministériels, l’administration et les collectivités locales. Pour la première fois, elle définit le métier de représentant d’intérêts, autrement dit le lobbyiste, qui a souvent mauvaise presse, elle professionnalise et encadre ses démarches. C’est une étape décisive dans la légitimité d’un dialogue public privé responsable.
Quelles dispositions concernent plus précisément les entrepreneurs ?
En tant qu’acteurs de la vie économique, les entrepreneurs peuvent avoir des contacts avec des décideurs publics. Depuis le 1er juillet, sont considérés comme étant des « représentants d’intérêt » les entreprises qui prennent l’initiative de rencontrer une moyenne de dix décideurs publics dans l’année dans le but d’intervenir sur la décision publique. La loi Sapin 2 vise à mieux identifier les représentants d’intérêts, et elle édicte des règles déontologiques applicables dans leurs relations avec les représentants de l’Etat, du Parlement et des collectivités (à partir de juillet 2017 pour ces dernières). À ce titre les entreprises concernées doivent se déclarer auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
La loi prévoit-elle des sanctions ?
Je préfère parler d’une loi en termes positifs ! L’inscription est obligatoire pour les entreprises concernées mais légitime leurs actions et liens avec les décideurs publics. Celles qui ne le font pas ou font de fausses déclarations encourent des peines pouvant aller jusqu’à 15 000 € et un an d’emprisonnement.
Quel jugement portez-vous sur cette loi ? Vous paraît-elle un moyen efficace pour lutter contre la corruption ?
Dans une démocratie moderne, les différents acteurs de la société ont tout intérêt à dialoguer de façon équilibrée et équitable. Cette loi, même si elle est encore perfectible, légitime et encourage ce dialogue. Ses dispositions vont obliger les représentants d’intérêts à améliorer leurs méthodes de travail et leurs outils pour répondre aux obligations déclaratives. C’est une façon de responsabiliser la profession de lobbyiste : à partir du moment où les choses sont plus transparentes, tous les acteurs sont incités à être plus responsables. Elle répond donc assez bien aux exigences sociétales contemporaines.

Le MEDEF redoute que le reporting d’informations financières ne révèle des informations stratégiques aux concurrents.
Le reporting financier est global et ne rentre pas dans les détails : il donne des tendances, des fourchettes et des volumes, pas de listes de prix de déjeuners au centime près. La Haute autorité peut ensuite procéder à des contrôles aléatoires et poser des questions sur la nature des contacts et les montants engagés.
Quelles seront les prochaines étapes ?
Déjà la mise en place de la loi ! Il faudra en faire la pédagogie et l’appliquer pour qu’elle atteigne sa maturité. Ce n’est pas uniquement une contrainte, mais une vraie démarche de progrès, qui va dans le sens de la responsabilité sociale des entreprises. Expliquer cette loi, c’est aussi valoriser et responsabiliser le dialogue entre les différents acteurs de la société. Cela va dans le sens de la transformation actuelle.



Texte Pascal de Rauglaudre

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