« La légitimité des femmes patrons n’est plus contestée »

C’est un cas exceptionnel parmi les entreprises du CAC40 : le groupe ENGIE compte plusieurs femmes au plus haut niveau de sa hiérarchie, ce qui lui a valu d’être souvent distingué pour ses bons résultats en matière de mixité. Isabelle Kocher, sa directrice générale, analyse les politiques adoptées pour féminiser ses équipes, tout en améliorant sa compétitivité.

Jeudi 14 décembre

Entrepreneurs d’avenir – Quelle est aujourd’hui la situation d’ENGIE en matière de mixité et d’égalité femmes hommes ?

Isabelle Kocher – ENGIE est régulièrement distinguée parmi les entreprises du CAC40 pour ses bons résultats en matière de mixité. La féminisation des effectifs du Groupe fait partie des indicateurs extra-financiers d’ENGIE, ce qui nous a valu de recevoir cette année le premier Grand Prix de l’indice Mixité, décerné par l’Institut du capitalisme responsable et Ethics & Boards, qui tient compte de la féminisation de l’entreprise à tous les niveaux.

Pour la période 2015-2020, nous nous sommes fixé l’objectif qu’un cadre dirigeant nouvellement nommé sur trois soit une femme. Au plus haut niveau de l’entreprise, c’est-à-dire dans le Comité exécutif, nous comptons trois femmes sur douze et elles occupent des postes clés : CEO, CFO [Chief Financial Officer, directeur financier] et directrice de la communication.

Quelles mesures emblématiques ont permis d’atteindre ce résultat ?

La progression de la représentation des femmes dans l’entreprise est le résultat d’une série d’actions concrètes. Outre les objectifs chiffrés que j’ai évoqués, nous avons mis en place des programmes visant à permettre aux femmes d’utiliser pleinement leurs ressources et à les aider à gagner en confiance. C’est la vocation de notre programme de mentoring, qui existe depuis 2011, ainsi que du réseau WIN (Women in Networking), qui met en relation 2000 femmes entre elles à l’intérieur du groupe.

Comment la mixité peut-elle améliorer la compétitivité d’une entreprise comme ENGIE ?

La diversité est un élément clé de notre culture d’entreprise. Il s’agit d’une dimension vitale, qui va bien au-delà de la déclaration d’intention : nous ne pouvons pas construire une relation forte et durable avec nos clients si nous ne sommes pas capables de les comprendre, si nous ne leur ressemblons pas. À l’intérieur d’ENGIE, je me bats pour que nous soyons un reflet de la société que nous voulons servir.

Au cours de votre carrière, vous êtes-vous heurtée à des attitudes paternalistes et machistes ? Et si oui, quelles stratégies personnelles avez-vous mises en œuvre pour les contrecarrer ?

J’ai réalisé lors de ma nomination au poste de directrice générale, que l’œil n’était pas encore habitué à voir une femme occuper un poste de direction. La curiosité autour de mes premiers pas comme dirigeante d’ENGIE, tout comme la sempiternelle question ‘Est-ce qu’elle va savoir s’imposer ?’, qui revient lors de la nomination d’une responsable à la tête d’une équipe, montrent que voir une femme diriger ne va pas encore de soi.

Chez ENGIE, nous faisons très attention à ne pas tomber inconsciemment dans ce travers. C’est pourquoi nous avons été très attentifs à nommer 30 % de femmes parmi les 350 top managers dans le cadre de la réorganisation du groupe qui a accompagné notre nouvelle stratégie.

Dans les entreprises, sortir ainsi de la logique du cas isolé pousse les équipes à percevoir comme naturel ce qui, jusqu’à il y a quelque temps, ne l’était pas. La bonne nouvelle, c’est que le regard change vite : aujourd’hui, la légitimité des femmes patrons n’est plus contestée.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes pour les aider dans leur carrière ?

Je leur dirais qu’il faut oser ! Assumer qui elles sont et ce qu’elles veulent. Prendre conscience de leurs capacités et croire que leur progression est infinie. Le mentoring et le sponsorship sont des outils puissants pour faciliter cette prise de conscience, en permettant aux femmes de prendre du recul sur leur parcours et de bénéficier d’un accompagnement bienveillant dans leur carrière. C’est très important, car je crois que nous sommes toutes et tous capables d’accomplir beaucoup plus que nous ne le pensons.

Pascal de Rauglaudre

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