RépareSeb : Réparer plutôt que jeter
Coopération, croisement des compétences et transmission, Nina Manghi, directrice de RépareSeb, nous révèle tout le potentiel de la filière réparation. Il y est question d’électroménager, mais surtout d’humain.
Entrepreneurs d’avenir : Nina Manghi, vous dirigez RépareSeb, une entreprise engagée dans la réparation et l’économie circulaire. Pouvez-vous nous rappeler sa mission et ce qui fait sa singularité dans ce secteur en pleine mutation ?
Nina Manghi : RépareSeb, c’est avant tout une aventure collective née d’une conviction forte : réparer plutôt que jeter. Cocréé avec le Groupe Seb, pionnier de l’électroménager et le Groupe Ares acteur de référence dans l’insertion par l’activité économique (IAE), notre rôle est de prolonger la durée de vie des produits tout en insérant socialement des profils éloignés de l’emploi. Concrètement, nous accompagnons chaque année 45 personnes en parcours d’insertion qui enrichissent le réseau de réparateurs professionnels, en lien étroit avec les centres de services agréés, les industriels et les distributeurs. Notre objectif est simple : faire de la réparation un réflexe de consommation.
Trois points en particulier nous distinguent dans ce secteur de la réparation :
• un modèle d’économie circulaire intégré, qui valorise chaque étape du cycle de vie du produit,
• un modèle d’inclusion sociale, qui crée des passerelles d’insertion professionnelle pour des personnes éloignées de l’emploi, en leur offrant une formation technique à la réparation et un accompagnement social adapté,
• une coopération à impact entre acteurs publics, privés et ESS, pour renforcer la filière.
L’économie circulaire est souvent présentée comme la clé d’un avenir durable. Quels sont, selon vous, les leviers à activer pour permettre à la filière de réparation de changer d’échelle ?
La filière de la réparation a un formidable potentiel : elle prolonge la vie des produits, réduit les déchets et préserve les ressources. Néanmoins, elle reste encore fragile. Chez RépareSeb, nous sommes convaincu.es que la clé du changement d’échelle passe d’abord par la valorisation des métiers. Former et professionnaliser les réparatrices et réparateurs, c’est créer des parcours attractifs et durables au cœur d’une économie circulaire porteuse de sens. Chaque année, une quarantaine de personnes en contrat d’insertion sont formées à nos côtés aux gestes techniques, à la logistique et à la relation client. Comme le dit Samia, ancienne salariée en insertion : « RépareSeb m’a permis de gagner en compétences et en confiance. »
Il faut aussi renforcer les passerelles entre réparateurs, industriels et distributeurs, car la filière ne peut pas fonctionner en silo. Chez RépareSeb, nous reconditionnons des appareils issus des retours après-vente et collaborons avec nos partenaires pour le recyclage des produits non réparables. Cette coopération permet d’optimiser les flux, d’améliorer la satisfaction client et de renforcer la confiance dans le modèle circulaire.
Enfin, le soutien économique et réglementaire est indispensable. Le modèle de la réparation crée de la valeur écologique en évitant 190 tonnes de déchets par an, sociale et locale, mais il doit encore être mieux reconnu et encouragé. Notre ambition, c’est de passer de l’initiative isolée à une dynamique collective capable de créer des emplois durables et de transformer nos habitudes de consommation.
RépareSeb illustre une forme de coopération à impact entre acteurs publics, privés et citoyens. Comment cette approche se traduit-elle au quotidien ?
La coopération à impact, c’est le cœur de notre ADN. Rien ne se fait seul. Chaque jour, nous voyons combien le croisement des compétences, des publics et des engagements est source de richesse. RépareSeb fait partie du Groupe ARES et s’inscrit donc pleinement dans cette logique d’impact social : accompagner des personnes éloignées de l’emploi vers une insertion durable, tout en développant une activité économique vertueuse autour de la réparation et du reconditionnement. Cette démarche s’appuie sur une coopération forte avec le Groupe SEB, notre partenaire industriel, qui nous permet d’assurer des réparations de qualité et de prolonger concrètement la durée de vie des produits.
Nous travaillons également avec plusieurs partenaires dont des collectivités locales et des acteurs de terrain pour renforcer l’écosystème de la réparation. Ensemble, nous participons à des événements de sensibilisation, comme les Journées Nationales de la Réparation, pour promouvoir le modèle et redonner leurs lettres de noblesse aux métiers de la réparation.
Sur le terrain, cette coopération prend vie dans nos ateliers à Paris (73 rue de la Chapelle, 18ᵉ arrondissement) : technicien.nes en parcours d’insertion et encadrant.es y œuvrent main dans la main. Ce sont des lieux de transmission, d’apprentissage et de confiance, où chaque appareil réparé raconte aussi une histoire humaine, celle d’une personne qui retrouve confiance et autonomie. Et c’est pour moi la dimension la plus touchante : entendre un technicien en insertion confier : « Avant je ne savais pas ce qu’était un moteur de mixeur, maintenant j’en démonte un, je l’analyse, je le remets en route, je vois que mon geste a du sens ». Cela change un appareil, cela change une vie.
Cette coopération est aussi un levier d’emploi et d’inclusion. En soutenant les ateliers locaux, on favorise la relocalisation des compétences des emplois non délocalisables, créateurs de valeur sur le territoire.
La période des fêtes approche, moment crucial pour les ventes. Comment RépareSeb compte-t-elle valoriser la réparation et ses services sur ses marketplaces à Noël ?
Noël, c’est souvent la période où l’on consomme le plus … et où l’impact environnemental est aussi le plus fort. Chez RépareSeb, nous sommes une alternative positive à l’achat du neuf. Acheter un appareil réparé ou reconditionné, c’est un choix concret et responsable, qui conjugue impact écologique, social et économique :
• écologique, parce qu’on évite la fabrication d’un nouvel appareil et la production de déchets,
• social, parce qu’on soutient l’emploi local et les parcours d’insertion,
• économique, enfin, parce qu’on favorise la durabilité et la consommation raisonnée, tout en rendant la réparation accessible.
Sur nos marketplaces, nous mettons en avant des appareils réparés et garantis pour encourager les consommateurs et consommatrices à faire un choix durable et malin.
Notre ambition est claire : montrer qu’à Noël, on peut consommer autrement, en choisissant une solution qui a du sens. Acheter un produit réparé, c’est offrir bien plus qu’un objet : c’est offrir une seconde chance à l’appareil, à la planète, et aux personnes qui œuvrent chaque jour à leur redonner vie.
Le secteur évolue vite : intelligence artificielle, automatisation, digitalisation… Quels projets ou innovations vous inspirent le plus chez RépareSeb ?
L’innovation est bien sûr un formidable moteur pour la réparation. Cependant, je le dis toujours : l’humain reste au centre. Etre bien formé.e, fièr.e de son métier, et savoir que l’on contribue à un projet utile, c’est ce qui permet de pérenniser le modèle. Parce que la machine seule ne suffit pas.
Nous travaillons sur plusieurs axes :
• des outils numériques qui permettent de diagnostiquer plus rapidement les pannes, de guider les technicien.nes en parcours et d’optimiser les flux,
• une meilleure traçabilité des pièces détachées, de la logistique et des produits reconditionnés,
• former nos salarié.es en parcours d’insertion à l’IA via l’organisme de formation Ares Compétences, pour en faire un levier dans leurs démarches administratives et de recherche d’emploi.
Quand on arrive à combiner innovation technologique + impact social + modèle économique viable, alors on prouve que l’économie circulaire peut être rentable, inclusive et ambitieuse. Et c’est ce que fait RépareSeb chaque jour.
Des propos recueillis par Coryne Nicq • novembre 2025