Anti-Chaos : Un manuel essentiel pour reprendre la main sur notre avenir
Entrepreneur, auteur, conférencier, cofondateur de Ticket for Change, Matthieu Dardaillon plante le décor de son dernier livre. Anti-Chaos se présente comme un guide, une boussole, une impulsion : c’est le livre que l’auteur aurait aimé trouver au milieu de sa quête de sens.
Crédit photo : Jonathan Westpalm Van Hoor
Entrepreneurs d’avenir : Ce livre « Anti-Chaos », aux éditions Eyrolles, trouve sa source dans votre propre état d’âme, que vous situez en 2022. Démotivation, plus l’énergie pour avancer. Pouvez-vous revenir sur ce cheminement personnel qui vous a amené à y répondre par un livre, qui peut tous nous aider à naviguer dans cette période de Chaos ?
Matthieu Dardaillon : Je me suis engagé relativement jeune sur les grands défis écologiques et sociaux et la transformation de l’économie. J’ai co-fondé Ticket for Change à 24 ans, en parallèle de mes études. Une aventure collective qui nous a dépassé, avec 150 000 personnes qui ont utilisé nos outils pour mettre leurs talents au service de nos grands défis de société.
Mais à un moment, au bout de 10 années d’engagement, intenses et passionnants, j’ai senti que, pour la première fois, je manquais d’inspiration, de clarté et d’énergie pour la suite.
J’avais le sentiment d’être au cœur de trop d’injonctions paradoxales, comme « Il faut accélérer » et « Il faut ralentir » ; « Il faut faire plus » et « Il faut faire moins » ; « Il faut des changements systémiques pour le long terme » et « Il faut des résultats concrets à court terme ».
Nous vivons la conjonction de nombreux bouleversements – tensions géopolitiques, incertitudes économiques, effondrement écologique, tensions sociales, intelligence artificielle… J’avais l’impression que je n’avais pas été formé pour décider dans ce contexte de grande mutation du monde.
J’ai alors décidé de passer la main et d’ouvrir ce que j’ai appelé une phase de « vide fertile » : une année pour me régénérer, essayer de mieux comprendre le monde en transformation, et voir où investir mon énergie pour la suite.
Et, en prenant du recul, une chose m’a frappé : je me suis rendu compte qu’énormément de personnes, très diverses (notamment les acteurs de changement, mais pas que !), avaient également ce sentiment d’impuissance.
Je me suis alors mis en quête pour essayer de trouver des clés. A la fois pour mieux comprendre ce que nous vivions collectivement, et comment retrouver du pouvoir d’agir dans ce contexte.
Initialement, je n’avais pas prévu d’écrire un livre, mais en commençant à partager sur LinkedIn des clés que je découvrais, j’ai senti une très forte résonance. En voyant tous les retours que je recevais, je me suis dit que j’avais une responsabilité de rendre les pépites que je découvrais le plus accessible possible.
Je n’avais pas imaginé que ce serait un processus de 18 mois pour arriver à Anti-Chaos.
Ce livre peut être lu à titre professionnel ou personnel, pour soi ou son organisation. Comment nous conseillez-vous de le lire et de l’utiliser ?
Comme il vous sera utile !
J’ai cherché à écrire le livre que j’aurais aimé trouver, en tant qu’individu et qu’entrepreneur, dans ma vie et mon travail, pour naviguer dans notre époque chaotique. Un livre simple, concret, visuel, qui propose des repères et redonne du pouvoir d’agir.
J’ai essayé d’écrire le livre à 3 niveaux, complémentaires : au niveau individuel, au niveau organisationnel, et au niveau sociétal. Les principes et les outils peuvent s’appliquer à ces différents niveaux.
Par exemple, un des principes est « S’autoriser à rêver ». L’idée est simple : quand on est dans le brouillard, il est essentiel d’avoir un rêve à l’horizon, cela nous aide à décider au quotidien. En temps de crise, on peut avoir le réflexe de se focaliser sur la gestion des urgences du court terme. Un rêve est comme une étoile polaire : cela nous donne la direction, nous porte en avant et nous aide à traverser les temps difficiles. Plus nous sommes dans le chaos, plus il est important d’avoir une vision positive, enthousiasmante, qui nous aide à avancer.
C’est vrai à la fois :
– pour soi : c’est quoi pour moi réussir ma vie ?
– pour son organisation : c’est quoi pour nous réussir ?
– pour la société : c’est quoi pour nous réussir, en tant que société ?
J’ai essayé d’articuler ces différentes dimensions tout au long du livre, pour réarticuler micro et macro.
Ce manuel nous propose une boussole intérieure pour naviguer à travers les incertitudes du quotidien. 11 principes sont énoncés. Pourriez-vous en partager quelques-uns qui vous paraissent prioritaires ?
Difficile pour moi de choisir 🙂
Nous avons déjà mentionné l’importance du rêve et de redéfinir la réussite. Je peux mentionner par exemple aussi :
– Être en mouvement : évidemment le rêve seul ne suffit pas. Je propose la méthode A-B-Z pour se mettre en mouvement ; avec Z mon rêve, A où j’en suis, et B ma prochaine étape – pas besoin de définir C, D, E, F à ce stade… Le risque avec l’incertitude, c’est de chercher à prévoir et contrôler alors qu’il faut essayer de naviguer en s’appuyant sur les vents porteurs.
– Cultiver sa singularité : pour contribuer à créer le futur, il est essentiel de s’appuyer sur ses forces. De connaître ses vulnérabilités. Ses bizarreries aussi. Pour « faire ce que toi seul peut faire », comme nous-y invite Nieztsche.
– Jouer collectif : rien de grand ne se fait seul. Et au vu des défis colossaux auxquels nous sommes confrontés, il serait de bon ton de jouer collectif. Pourtant, tout nous pousse à l’individualisme dans le système actuel. Je parle notamment du concept de Scenius – où comment créer du génie collectif – comme une clé essentielle selon moi à notre époque.
– Prendre de son énergie : transformer le monde est un chemin au long court ! Il faut apprendre à prendre soin de son énergie. Je mentionne notamment le modèle des 4 saisons, qui est éclairant pour moi pour apprendre à gérer son énergie dans la durée, et accompagner les différentes phases de sa vie et de ses projets, plutôt que de chercher à lutter contre. C’est aussi dans les moments de pause que naissent les idées les plus transformatrices.
– Enfin, cultiver la joie ! J’y tiens particulièrement. Plus le monde est sombre, plus il est important de cultiver la joie. La joie est une énergie particulière, contagieuse ! Si notre défi est de rendre désirable un autre moment de société, alors la joie est un outil de leadership fondamental.
Pour revenir sur l’une des dimensions principales de votre ouvrage ; celle du pouvoir d’agir face à un monde qui résiste, qui nous révolte, voire qui s’effondre, comment se remettre en marche et se donner des marges de manœuvre ?
C’est l’intention du livre : partager des clés concrètes pour dépasser le sentiment d’impuissance et retrouver son pouvoir d’agir.
J’ai essayé de proposer un récit du grand changement du monde qui s’opère, afin de nourrir notre capacité d’action. Ma lecture est la suivante :
Si nous ressentons de l’impuissance, d’une certaine manière, c’est parfaitement normal : nous sommes « entre deux mondes », entre un modèle de société à bout de souffle, et un nouveau monde qui tarde à émerger. Quelque part entre les deux.
Tout moment de changement de paradigme passe par un moment chaotique, extrêmement confusant. Mais le chaos est un passage obligé pour inventer quelque chose de radicalement différent. De ce point de vue-là, le chaos peut aussi être une opportunité !
Cela nous donne un rôle particulier : nous pouvons participer activement à cette réinvention, devenir des « chercheurs extraordinaires » et participer au changement de paradigme en cours. Nous vivons aujourd’hui l’équivalent d’une grande Renaissance, où il nous faut inventer une économie et un modèle de société qui réconcilient économique, social et environnemental. Le système actuel a été créé par les humains. Il peut être redessiné. Il n’y a pas de fatalité.
Chacun a un rôle à jouer pour contribuer à faire émerger ce nouveau monde, dans chaque domaine (agriculture, énergies, transports, éducation…). Ce sont autant de domaines où des nouveaux modèles ont en train de s’inventer et nous les renforcer, les déployer, pour donner naissance à un nouveau paradigme.
Après la période Ticket for Change et ce pas de côté pour écrire, qu’allez-vous faire maintenant ? quels sont vos projets ?
J’ai intitulé ma nouvelle aventure entrepreneuriale Redessiner le monde. La mission : partager à grande échelle des clés pour faire émerger une société plus juste et plus durable, le tout avec des visuels.
Je cherche à mettre à disposition les meilleurs outils pour aider les acteurs de changement à mettre leur énergie là où elle fait le plus la différence.
Cela prend la forme de ce livre Anti-chaos donc, d’une newsletter, de conférences, de séminaires pour dirigeants, et bientôt de formations et d’une communauté.
J’interviens auprès de publics d’horizons très différents – chefs d’entreprises, militants associatifs, philanthropes, haut fonctionnaires, vignerons, travailleurs sociaux et même prêtres récemment – et c’est pour moi très important, car pour advenir, la bascule doit être désirée dans plusieurs milieux, catégories sociales… Chacun a une pièce du puzzle, mais pour faire basculer l’ensemble, il faut un récit commun.
Je crois dans le potentiel de la création de contenu et des communautés pour transformer le monde.
Je suis par ailleurs engagé dans différents mouvements, en tant que co-président de la CEC, administrateur de la Fondation Entrepreneur et membre du conseil d’orientation de Destin Commun.
Le fil rouge : contribuer à donner du pouvoir d’agir au plus nombre pour créer des futurs qui nous enthousiasment !