Fondation de la Mer : Un nouveau Président pour faire face à l’urgence océanique

Entrepreneur engagé et désormais président de la Fondation de la Mer, Roland Coutas revient sur son parcours et les combats portés par la fondation depuis dix ans. À l’heure où l’urgence environnementale s’intensifie et où les entreprises restent encore trop éloignées des enjeux océaniques, il plaide pour une mobilisation collective, radicale dans l’ambition mais ouverte dans le dialogue, afin d’accélérer la protection des océans et d’impliquer l’ensemble des acteurs privés et publics.

 

Entrepreneurs d’avenir : Vous venez de prendre la Présidence de la Fondation de la Mer. Vous êtes plutôt connu comme entrepreneur. Quel lien entre ces deux activités ?

Roland Coutas : J’ai cette double casquette de longue date.

J’ai toujours été un défenseur de la cause animale. Dans les années 80, j’ai participé à la création de la Fondation Brigitte Bardot, dont je me suis éloigné depuis. J’ai également produit l’émission de télévision “SOS animaux”, ce qui m’a permis de gagner en expertise sur ces sujets. Je suis plongeur amateur et membre de la réserve citoyenne de la Marine nationale.

Quelques mois avant la COP21, nous avons décidé, personnalités engagées du monde maritime et amoureux de l’Océan, de créer la première fondation dédiée à tous les enjeux de l’Océan. Dans l’effervescence et l’enthousiasme de l’époque, l’amiral Loïc Finaz, Catherine Chabaud, Françoise Gaill, Sabine Roux de Bézieux, Erik Orsenna et bien d’autres se sont réunis pour créer la Fondation de la Mer.

Ma vie d’entrepreneur m’a apporté une créativité, une ouverture d’esprit, une humilité et surtout une facilité à coopérer avec des acteurs différents portés par un intérêt commun.

Après 10 ans à la Fondation de la Mer, comme secrétaire général puis vice-président, je suis heureux de prendre la Présidence et de conjuguer mon expérience d’entrepreneur à mon engagement pour l’Océan.

 

Vous êtes au Conseil d’administration de la Fondation de la Mer depuis 10 ans, quels financements et quelle gouvernance ?

Nous bénéficions du soutien de grandes entreprises avec lesquelles nous construisons des programmes de terrain sur des sujets pour lesquels elles souhaitent agir.

Par exemple, les assureurs et les mutuelles soutiennent des projets de préservation du cordon dunaire, car ils sont les premiers concernés par la montée des eaux et les catastrophes naturelles. La préservation prime sur la réparation.

De nombreuses PME dirigées par des amoureux de l’Océan ou ancrées sur le littoral nous soutiennent également.

Les entreprises ont un rôle moteur à jouer car elles ont le pouvoir d’influencer les comportements de leurs collaborateurs, fournisseurs, distributeurs et clients.

Sans compter que s’engager pour l’Océan, intégrer une dimension Océan dans sa stratégie d’entreprise est porteur en termes d’image en externe et en interne.

Nous construisons également des programmes avec d’autres fondations et associations et nous bénéficions du soutien de grands mécènes et de donateurs particuliers.

89 % de nos dépenses sont directement allouées aux programmes.

 

Le Conseil Scientifique de la Fondation de la Mer, présidé par Pascale Joannot, ancienne Directrice des collections et expéditions du Museum National d’Histoire Naturelle de Paris et nouvelle vice-présidente de la Fondation de la Mer, évalue et valide tous les projets que nous soutenons.

 

La troisième Conférence des nations unies sur l’Océan s’est terminée à Nice, récemment. Quel bilan tirez-vous de ce moment tant attendu ? Quelle est votre plus grande satisfaction et votre grande déception ?

La grande victoire de l’UNOC, même si nous nous y attendions, c’est l’entrée en vigueur du traité sur la Haute Mer (BBNJ) 19 nouvelles ratifications ont été enregistrées sur le site des Nations Unies à la date du 11 juin, nous devrions atteindre les 60 cet été nécessaire pour une entrée en vigueur.

Cela signifie enfin une première COP Océan en septembre 2026 !

 

Durant l’UNOC, le monde entier a entendu l’appel de l’Océan et a réalisé l’urgence à agir.

Dans un contexte international où ils sont extrêmement malmenés et où l’évidence de la preuve scientifique est remise en question, les scientifiques n’ont jamais été aussi unis.

À bien des égards, ce sommet a été exceptionnel. Il faut maintenant passer des constats portés par la science et de la prise de conscience à l’action.

 

Les annonces faites sur les Aires Marines Protégées ne sont pas à la hauteur des attentes. Pour l’instant, nous sommes confrontés à beaucoup d’effets d’annonce en attente de financement.

La France, qui détient le deuxième domaine maritime au monde, doit se montrer exemplaire et avoir une trajectoire véritablement ambitieuse sur le sujet.

 

L’un des thèmes de l’Université de la terre en mars dernier était « Faut-il être radical pour être entendu ? ». Paul Watson était notamment présent pour en parler. Quelle position avez-vous sur cette radicalité ? la comprenez-vous ? Et quelle posture à la Fondation de la mer dans ses combats pour les océans ?

La vraie question est : quelle posture adopter face à l’urgence environnementale, face à une forme d’immobilisme, voire de recul sur certains sujets ?

On confond souvent radicalité et extrémisme.

Je suis convaincu que l’on peut être radical sans être extrémiste, même si les deux termes sont souvent associés dans l’imaginaire collectif.

J’essaie d’être radical dans mes opinions mais de rester engagé sans être extrémiste dans ma posture.

C’est la posture de la Fondation de la Mer, face à la radicalisation extrême du monde, de favoriser le dialogue et d’embarquer tout le monde dans la préservation de l’Océan, puisque nous sommes tous concernés au même titre.

Depuis 10 ans, nous cherchons à réunir des acteurs, que parfois tout oppose. C’est ainsi que nous pouvons rassembler entreprises, pêcheurs, scientifiques, représentants de l’État et ONG militantes pour accélérer ensemble la protection de l’Océan.

 

Les entreprises en général, sont encore très éloignées des défis de l’océan. Comment mobiliser les entreprises qui sont globalement très inconscientes sur leurs responsabilités envers les diverses pollutions qui touchent la mer (Carbone, plastique, pollutions chimiques etc…) ?

L’ODD 14, qui vise à préserver et à exploiter durablement l’Océan, est le moins financé de tous les objectifs de développement durable. Il reçoit moins de 1% du financement mondial pour le climat.

Il y a une forme de paradoxe à vouloir agir pour le climat sans tenir compte de l’Océan, qui en est le régulateur.

Tout comme il est curieux de se doter d’une stratégie biodiversité ou d’une stratégie eau sans prendre en compte la première réserve de biodiversité, et 97% de la quantité d’eau sur Terre.

Enfin, on ne peut lutter contre la pollution, sans se préoccuper de l’Océan, dans lequel se déversent 15 tonnes de plastique chaque minute.

Les entreprises, quel que soit leur secteur, leur taille ou leur périmètre géographique ont toutes un lien à l’Océan. Certaines en ont plus conscience car elles dépendent directement de l’Océan et de la santé des milieux marins : pharmacie, cosmétique, agroalimentaire…

Pour toutes les autres, préserver l’Océan devrait être un engagement fort de leur feuille de route RSE, RH ou de communication interne et externe. Il y a une infinité de récits à construire autour de la mer.

Les grands événements internationaux, comme la Conférence de Nice, contribuent à la sensibilisation des entreprises. Je suis convaincu que nous entrons dans un temps nouveau pour la mobilisation des acteurs privés en faveur de l’Océan.

Il faut ensuite se doter des moyens pour agir. C’est aussi la mission de la Fondation de la Mer de proposer aux entreprises des moyens de s’engager pour accélérer ensemble la protection de l’Océan (préservation de la biodiversité, lutte contre la pollution plastique, sensibilisation des collaborateurs et autres parties prenantes, etc.).

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