Jean-Michel Blanquer : “Refonder la République pour maîtriser notre destin collectif”

À l’occasion de la 2ᵉ Université d’été du Laboratoire de la République à Autun, fin août, Jean-Michel Blanquer revient sur les grands défis de notre époque. Entre bilan, vision et projet de “République intégrale”, il plaide pour un idéal républicain vivant, capable de rassembler et d’agir sur tout le territoire.

 

Entrepreneurs d’avenir : Quel idéal de société pour notre République sur tout son territoire ? Quel bilan tirez-vous de la 2ᵉ Université d’été du Laboratoire de la République à Autun ?

Jean-Michel Blanquer : Je crois profondément que la notion même de République emporte avec elle un idéal de société plus que jamais valide pour faire face aux défis de notre époque. Que l’on pense à la transformation écologique, au besoin d’affirmer un contrat social qui nous unit, aux conséquences concrètes de la devise républicaine, à la laïcité, à la défense de la démocratie, tous ces sujets et quelques autres composent un idéal de société.

Or, on peut avoir l’impression aujourd’hui que ce sont les autoritarismes à l’extérieur et les partis extrémistes à l’intérieur qui proposent ou imposent une vision de la société à long terme. Il est grand temps de restituer en politique une vision dans la longue durée, avec une attention particulière aux enfants et à la jeunesse pour définir les conditions d’un avenir meilleur.

C’est ce que nous avons voulu rappeler à Autun. Pendant deux jours, des acteurs venus d’horizons différents – élus, intellectuels, responsables associatifs, citoyens engagés – ont montré que la République n’est pas une idée abstraite : elle est une promesse de cohésion et de dignité pour chacun. Le bilan est très positif : une énergie collective s’est exprimée avec des idées très concrètes. Nous avons particulièrement insisté sur la régénération du territoire. Et nous avons formulé des propositions cohérentes entre elles sur des sujets aussi cruciaux que l’aménagement du territoire, l’évolution du système des retraites, l’équilibre des comptes publics, le renouveau du système de santé, le pouvoir d’achat, le renforcement de l’autorité régalienne, l’émergence d’une défense européenne autonome… Ces idées permettent de dessiner un chemin éclairé par la lucidité et non par le fatalisme.

 

Dans votre discours de conclusion, vous avez appelé à construire la “République intégrale”. Quel est le projet et comment y parvenir ?

L’idée de “République intégrale” est de retrouver le souffle qui unit principes et réalités. La République ne doit pas se limiter à l’État ou aux institutions : elle doit irriguer l’éducation, l’économie, la culture, l’écologie, la vie quotidienne. Cela signifie bâtir une société où chaque individu se sait à la fois libre et responsable, enraciné et ouvert. Au moment où la démocratie est menacée de toutes parts, il s’agit de dire qu’elle sera sauvée par l’idée républicaine.

Cela passe d’abord par la petite enfance et l’école. Au moment où nous avons de premiers résultats par exemple sur la politique de dédoublement des classes en réseau d’éducation prioritaire qui concerne 400.000 enfants par an, il est grand temps de sortir des discours déclinistes et de montrer les pistes de rebond.

Elles existent et sont identifiées dans bien des domaines. Il ne s’agit pas d’une collection de solutions techniques mais plutôt des conséquences naturelles d’une conception de la France et de la République dont le fil directeur est de retrouver la maîtrise de notre destinée. Par exemple, s’agissant de notre territoire, la clarification des compétences locales articulée à une définition de l’idée que l’on se fait du territoire Français en 2050 doit permettre de redonner de l’espoir et du dynamisme. Nous avons précisé ces approches à Autun. Notre pays est fabuleux et nous laissons pourtant des pans entiers dépérir. Un cercle vertueux de la prospérité et de la fraternité est à réenclencher.

 

Comment analysez-vous la situation actuelle, assez inédite dans la Ve République, de la vie politique ?

Nous vivons un moment de recomposition historique. Les repères traditionnels se sont effacés, et la société française exprime une inquiétude profonde, face à la mondialisation, aux fractures territoriales, aux défis écologiques et numériques. Le risque serait de sombrer dans la fragmentation, voire dans la démagogie. L’enjeu est au contraire de retrouver un cap républicain, c’est-à-dire un cadre commun qui rassemble. Sur le plan de la vie politique, j’ai expliqué dans mon ouvrage « La citadelle » pourquoi, à mes yeux, le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron partait dès le départ vers un échec alors que le premier quinquennat a pu comporter de belles réussites. Il aurait fallu tenir un cap clair sur les enjeux structurants pour les Français et cela aurait permis d’avoir une majorité nette dotée d’un projet compris de tous. Nous n’aurions pas eu alors cette fragmentation dont l’Assemblée nationale est le reflet caricatural aujourd’hui ni le retour au régime des partis que nous avions cru aboli par la Vème République et qui ressurgit quand la direction est floue. On doit donc retrouver de la netteté. C’est le sens de ce que j’ai appelé la « République intégrale ».

 

Vous avez lancé Terra Academia, un projet de formation pour accélérer la transition écologique. Quelles en sont les missions ?

Terra Academia part d’un constat simple : la transition écologique ne réussira que si elle se traduit très concrètement par les compétences et les métiers. Nous avons besoin de former des milliers de jeunes et d’adultes aux savoir-faire pratiques de l’écologie face à tous les défis qui se présentent: énergies renouvelables, agriculture durable, gestion de l’eau, rénovation des bâtiments, mobilité propre, économie circulaire…

C’est pourquoi il y a deux piliers de ce projet. En premier lieu, il y a une forte dimension scientifique avec un Conseil scientifique de très haut niveau qui nous aide à faire de la prospective sur les métiers et compétences de demain. Adossé à cela, nous avons créé un Institut des Hautes études de la Transformation écologique qui est comme un « IHEDN de la transformation écologique », avec une session annuelle qui vient de commencer et permet d’offrir à ceux qui la suivent une connaissance et des expériences très approfondies relativement à tous les enjeux écologiques. En second lieu, la dimension territoriale est primordiale pour être concrets et efficaces. Nous avons l’objectif de créer un campus par région, à chaque fois dans une ville de taille intermédiaire pour avoir une grande valeur ajoutée pour la population et contribuer à la revitalisation du territoire.

 

Vous avez déjà plusieurs campus en lien avec les territoires et les établissements de formation locaux. Comment fonctionnent-ils et quel est le projet de déploiement de Terra Academia ?

Chaque campus de Terra Academia fonctionne comme un lieu ouvert et partenarial. Nous travaillons avec les collectivités locales, les institutions de formation, les entreprises et les associations. Dans chaque lieu, nous réalisons un diagnostic écologique. Nous regardons quelles sont les compétences existantes pour répondre aux défis propres au territoire. Et nous évaluons ce qui devrait exister. La différence entre le réel et l’idéal guide notre programme de développement de formations. Nous les concevons à chaque fois au plus près des besoins et en co-construction avec les acteurs locaux compétents. Nous avons comme objectif de former 60.000 personnes d’ici à 2030. C’est notre contribution à ce qui doit tous nous mobiliser car il va y avoir au moins 400.000 emplois créés au titre de la transformation écologique ces prochaines années. A terme, nous serons un réseau de campus à travers la France qui permettra aux jeunes et aux adultes de se former en permanence, en étant à jour des grands progrès scientifiques et technologiques utiles pour la décarbonation, le renouveau de la biodiversité, la lutte contre la pollution etc. Ce projet est très motivant pour tous ceux qui veulent se retrousser les manches au service d’un développement durable.

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