Nikola Tesla, un génie oublié qui pourrait encore changer le monde
Dans La vie rêvée de Nikola Tesla, Yannick Roudaut retrace le destin fascinant de l’inventeur de génie, oublié de l’histoire et trahi par les puissances industrielles de son temps. Un roman éclairant qui résonne avec nos enjeux actuels et qui nous laisse entrapercevoir un futur libéré des énergies fossiles.
Entrepreneurs d’avenir : On connait la marque TESLA et son fondateur Elon Musk, mais on ne connait pas l’homme qui se cache derrière ce patronyme et qui semble être à l’opposé du patron de la marque automobile. Elon Musk, n’a pourtant pas choisi ce nom par hasard. Votre livre, votre roman nous éclaire sur ce serial inventeur, Nikola Tesla qui a vécu entre les 19ème et première moitié du 20ème siècle. Pourquoi avoir choisi ce personnage extravagant, passionnant et humaniste pour ce premier roman, qui n’est d’ailleurs pas votre premier livre ?
Yannick Roudaut : J’ai découvert Nikola Tesla il y a plus de 10 ans et je suis tombé des nues. Cet homme qui parlait douze langues et qui a déposé des centaines de brevets, a diffusé le courant alternatif dans le monde, a inventé le moteur électrique à induction, la télécommande vocale, les drones, la radio, jeté les bases du wifi, du smartphone, dès 1895… est réduit à une marque de voiture. Et son nom est quasiment rayé des livres d’histoire. J’ai souhaité lui redonner sa juste place, lui rendre justice. J’ai opté pour la forme romanesque car je suis persuadé que la fiction est bien plus puissante qu’un essai. Un roman s’adresse au cœur du lecteur, là où l’essai s’adresse à la tête. Les émotions du roman sont plus puissantes. Le lecteur se projette et crée sa réalité.
Précisons que votre livre est un roman mais qui s’appuie sur des faits réels et notamment sur les découvertes incroyables de Nikola Tesla, mais aussi sur des rencontres avec les femmes et les hommes de son époque. Quelles sont ses découvertes les plus emblématiques et pouvez vous revenir sur les raisons de ses échecs qui nous en disent beaucoup sur la nature du capitalisme prédateur de la révolution industrielle du 19ème siècle ?
On me pose systématiquement la question : « c’est vrai ce que tu racontes ? ». Il a eu une vie tellement incroyable qu’on pourrait croire que j’ai inventé ses découvertes. Et pourtant, tous les articles de presse le disent, ses inventions sont bien réelles. Nikola Tesla est un inventeur de génie qui avait au moins 100 ans d’avance sur ses congénères. Quand il fait la démonstration d’un sous-marin télécommandé en 1895, l’Etat major américain s’est moqué de lui et ne voit pas l’intérêt d’une telle invention. Même réaction quand il propose une voiture autonome capable de réaliser des tâches intelligentes à un constructeur automobile de Détroit. Ce dernier rigole.
Nikola Tesla est pourtant reconnu internationalement au tournant du siècle. C’est lui qui avec Georges Westinghouse a dompté les chutes du Niagara en créant la première centrale électrique. C’est lui qui a inventé la radio dont 17 des brevets ont été copiés par Marconi. Tant que ses inventions allaient dans le sens des capitalistes américains (JP Morgan, David Rockefeller, Edison, Carnegie…), il était reconnu et accepté au sein du gotha américain. Mais lorsqu’en 1900 il s’est mis en tête de construire une tour à Long Island pour diffuser de l’énergie gratuite et non polluante à l’humanité et de supprimer l’usage du charbon, du gaz et du pétrole, ses ennuis ont commencé. De star il est devenu l’homme à abattre.
Nikola Tesla se heurte aux barons du capitalisme de son époque (Thomas Edison, Georges Westinghouse, John Pierpont Morgan…). Pensez vous que nous puissions extrapoler cette histoire à notre époque ? Qui seraient aujourd’hui les barons d’un capitalisme prédateur qui s’opposeraient à des découvertes majeures qui iraient à l’encontre de leurs intérêts et qui feraient donc obstacle à des changements radicaux et bénéfiques pour l’humanité et l’écologie ?
L’époque dans laquelle évolue Nikola Tesla, le début du siècle dernier, résonne particulièrement avec aujourd’hui. Il a vécu sous la présidence de Mc Kineley, personnage vénéré par Trump. William Mc Kineley c’est l’âge d’or, dénoncé d’ailleurs par Mark Twain, ami et confident de Nikola Tesla. A cette époque, une poignée de millionnaires sont les maîtres des Etats-Unis. Ils contrôlent les banques, les mines, les compagnies maritimes et de chemin de fer, l’acier, le pétrole. C’est John Pierpont Morgan qui instaure l’étalon d’or en 1901 et sauve l’Etat fédéral de la faillite ! Il est le faiseur de rois.
Aujourd’hui, les nouveaux « barons voleurs » comme les qualifiaient certains journalistes de l’époque, sont à la tête de la tech mondiale, des grandes industries et de lobbies puissants. Ils ont la même vision inégalitaire du monde et n’entendent pas laisser émerger une rupture énergétique qui nous permettraient de moins travailler, moins dépenser et moins polluer. Leur intérêt est ailleurs. Dans mon roman, J. Edgar Hoover, patron du FBI, explique au conseiller du président américain en 1933 pourquoi les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à sortir du pétrole. Ils n’ont aucun intérêt à diffuser les travaux de Tesla sur l’énergie gratuite. Tous les équilibres économiques et géopolitiques seraient perturbés.
On découvre un personnage lumineux dans la dernière partie de votre livre, Nova, une jeune femme qui vit dans les années 2030. Elle décide d’éclairer l’humanité sur les découvertes révolutionnaires de Nikola Tesla pour qu’enfin nous puissions faire régner une énergie renouvelable et inépuisable. Ces grandes transitions pourraient-elles advenir grâce à l’engagement des femmes ? Et lesquelles vous semblent ressembler à Nova ?
Ah ah, question difficile. Une chose est sûre, l’engagement des femmes est aujourd’hui beaucoup plus franc, sincère et radical que celui de beaucoup d’hommes, même si certains sont très investis bien sûrs. Il était important pour moi d’ouvrir un horizon à la jeunesse en leur disant : « Tout n’est pas joué. Une source d’énergie inconnue, inexploitée peut surgir et commencer à faire basculer le monde ». En 2025, l’humanité n’est pas encore mûre pour cette découverte, mais en 2036, elle aura fait du chemin, essuyé des catastrophes climatiques, des pénuries alimentaires… la jeune génération actuelle sera en âge de prendre le pouvoir, d’en finir avec la destruction méthodique du vivant. Nova incarne ces enfants nés dans les années 2010 et qui portent les conséquences de l’insouciance de leurs parents. Quand elle découvre les travaux de Tesla, la campagne de dénigrement qu’il a subi, son génie bafoué, elle décide d’enquêter sur cette fameuse énergie libre et de tenter l’impossible. Va-t-elle réussir ? Je ne dévoilerais pas ici la fin du roman.
Quels messages portez-vous par ce livre passionnant et comment pouvons-nous les porter collectivement ?
Nikola Tesla est un homme qui me fascine par sa créativité et dont le parcours de vie me touche, m’émeut. Pacifiste, humaniste, utopiste, désintéressé de l’argent, il a côtoyé Sarah Bernhardt, Mark Twaïn, Rudyard Kippling et bien d’autres. Le monde d’aujourd’hui n’existerait pas sans lui. Malgré l’acharnement qu’il a subi, il n’a jamais renoncé, jamais abandonné ses recherches sur son système mondial de communication et de diffusion d’énergie. Il était animé par une mission de vie, une vision. Il donnait du sens au progrès, ce qui est rarement le cas aujourd’hui. Le progrès profite-t-il à toutes et tous où à une poigné d’humains ?
Comment porter son message ? En lisant mon roman bien sûr et s’il vous séduit, en en parlant autour de vous, en organisant des évènements autours de Nikola Tesla (j’ai une conférence prête !), bref en lui redonnant vie. Alors peut-être que quelque part dans le monde, un ou une « génie » s’emparera de ses travaux et aidera l’humanité à changer de civilisation en s’affranchissant définitivement des énergies fossiles.
« La vie rêvée de Nikola Tesla », Yannick Roudaut (ed. La Mer Salée, 21€, 288 pages)
Merci pour cette ITW très éclairante. Nikola Tesla est un peu “l’oublié” de la science. Heureusement que Yannick Roudaut s’est penché sur son destin pour le faire un peu mieux connaitre du grand public.
Cdt.