Agir pour une consommation raisonnée

L’addiction à la consommation plonge l’humanité dans la dépression ? Qu’à cela ne tienne : dans son dernier livre, Elisabeth Laville propose des pistes pour se désintoxiquer à travers les exemples de cinq marchés emblématiques.



Chaque semaine, un Français a le choix entre 1250 nouveaux livres, 10 nouveaux parfums et 13 nouveaux films. Il consomme en moyenne 1,5 kg de viande mais aussi une boîte de médicaments. Un volume trois fois plus élevé qu’en 1960. La consommation, cette « religion qui a converti le monde entier », a usurpé la place de toutes les autres valeurs, sans rendre les Français plus heureux pour autant, car par son « toujours plus » elle génère beaucoup plus de frustrations que de satisfactions. Or cette addiction n’est jamais vraiment questionnée non plus, sauf par quelques militants radicaux.

Dans Vers une consommation heureuse, son nouveau livre, Elisabeth Laville dresse un état des lieux très documenté de cette dépendance pathologique à la consommation : une fois les besoins essentiels assouvis, aussi bien individuellement que collectivement, le bien-être décroit avec la consommation matérielle, et cette course folle épuise les ressources naturelles et dérègle le climat.

L’urgence d’adopter un comportement plus responsable se fait de plus en plus pressante, et Elisabeth Laville propose une alternative positive, capable de résoudre l’impasse individuelle et collective dans laquelle l’humanité se trouve aujourd’hui. Elle commencerait en remplaçant la quantité par la qualité, et en définissant une « nouvelle morale du bonheur » où le renforcement du lien prendrait le pas sur la possession de biens.

Après avoir analysé dans le détail ce déni collectif, Elisabeth Laville propose « de voir le verre à moitié plein, et non à moitié vide », convaincue que « ce n’est pas en promettant des restrictions qu’on encourage les individus à changer », car le catastrophisme est plutôt démobilisateur. La fondatrice du cabinet Utopies explore cinq marchés emblématiques en pleine évolution : la mode, les médicaments, l’électronique grand public, l’alimentation et la viande, identifiant les voies d’avenir possibles.

Elle propose d’agir à trois niveaux : en privilégiant une consommation de biens et de services plus respectueuse des hommes et de la planète ; en redéfinissant les finalités de la consommation et en intégrant la question des générations futures ; en favorisant l’émergence de nouveaux modes de vie qui équilibrent les échanges marchands et non marchands.

Elle observe enfin que les consommateurs sont prêts, comme en témoignent les succès du tri et du recyclage, de la consommation collective, de la location, de la revente d’occasion ou du partage… Mais pour accélérer ces mouvements, les pouvoirs publics doivent les accompagner, porter un projet de société qui fasse moins de place au matérialisme, et proposer une morale du bonheur pour les temps post-consuméristes. Quant aux entreprises, elle doivent prendre davantage au sérieux leur responsabilité sociétale, en comprenant l’intérêt de vendre un produit durable par exemple.

Le psychiatre Christophe André ne s’y trompe pas, qui juge ce dernier opus d’Elisabeth Laville « très bien documenté, plein d’énergie et d’optimisme, qui donne envie d’agir et nous aide à devenir des consommateurs plus avisés, des citoyens plus motivés, et des humains plus heureux ».

Vers une consommation heureuse, Elisabeth Laville, Allary Editions, 2014.

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