L’innovation frugale pour mieux traverser la crise

Né dans les pays émergents, le « Jugaad » prôné par Navi Radjou doit être une source d’inspirations pour les entreprises occidentales dans un environnement en plein bouleversement.


Né dans les pays émergents, le « Jugaad » prôné par Navi Radjou doit
être une source d’inspirations pour les entreprises occidentales dans un
environnement en plein bouleversement.

Navi Radjou, français d’origine indienne, né à Pondichéry en 1970, partage son temps entre Palo Alto où il a élu domicile, et l’Europe. Il est actuellement de passage à Paris, notamment en tant que commissaire de l’exposition Wave qui s’est tenue à la Villette du 10 septembre au 5 octobre autour du thème « Quand l’ingéniosité collective change le monde. »

Emergents : débouchés et aussi sources d’inspiration

Contraints par la pénurie de ressources matérielles et de financements, les pays émergents se surpassent dans l’ingéniosité et la débrouillardise. C’est l’innovation Jugaad, un terme hindi qui désigne une forme d’agilité d’esprit, de débrouillardise et d’ingéniosité, que Navi Radjou a popularisé dans un ouvrage co-rédigé avec Jaideep Prabhu et Simone Ahuja L’Innovation Jugaad: Redevenons Ingénieux ! (Diateino, 2013).

Selon le jeune consultant, diplômé de l’école centrale, les économies occidentales seraient bien avisées de suivre l’exemple des pays en développement, en cessant de considérer les marchés émergents comme de simples débouchés mais aussi comme des sources d’inspiration.

Dans les économies matures également, il importe de concevoir des produits et services adaptés aux besoins du plus grand nombre. « Il n’est pas indispensable d’aller au Bangladesh pour faire de la frugalité Jugaad », précise-t-il.

C’est d’ailleurs ce que commencent à faire de jeunes entrepreneurs américains ou européens, en proposant aux consommateurs occidentaux des alternatives économes et durables à des produits et services classiques, issus de processus de recherche normalisés, très consommateurs de ressources, peu flexibles et élitistes.


En finir avec le syndrome du couteau suisse

Pour ce faire, les entreprises doivent en finir avec le syndrome du « couteau suisse », qui consiste à concevoir des produits surdimensionnés au regard des besoins de ces consommateurs, et, partant, inaccessibles à leur pouvoir d’achat. A l’inverse, mieux vaut se contenter dans un premier temps du « minimum viable product », qui répond à 80% des besoins, puis accompagner ensuite le consommateur sur « l’escalator », en faisant évoluer les produits au fur et à mesure de l’accroissement de son niveau de vie. Il ne s’agit pas pour autant de « low cost », mais de parvenir à créer des produits à forte valeur aspirationnelle vendus à un prix abordable.

Ce conseil, Navi Radjou le prodigue aussi bien aux start-up qu’aux multinationales, qui vont voir leurs modèles également bouleversés par l’émergence du prosommateur, qui fait de tout consommateur un producteur grâce aux outils virtuels (plateformes, réseaux…) ou bien réels (imprimantes 3D, Fablabs, etc.), et brouille la répartition classique de la valeur ajoutée.

De l’ingéniosité individuelle à l’ingéniosité collective

A l’origine utilisé pour désigner des qualités individuelles, le Jugaad peut fort bien inspirer les entreprises, « qui ne sont rien d’autre que des « collections d’individus ». En période de quasi-stagnation économique, qui rend caduques les modèles bâtis sur des croissances vigoureuses, c’est dans la résilience et l’ingéniosité de chacun qu’il faut aller puiser.

L’exposition Wave, qui va partir en tournée en régions puis dans le monde, a vocation à diffuser les principes de l’ingéniosité collective auprès du grand public, des étudiants, ou au sein des entreprises. On y découvre toutes sortes d’illustrations des nouvelles formes d’ingéniosité collective, qu’il s’agisse d’économie circulaire, du partage, inclusive, du mouvement des makers ou de la co-création. « Certains de ces concepts restent un peu ésotériques », reconnaît Navi Radjou qui prône l’approche œcuménique de ces 5 tendances adoptée pour l’exposition. « BNP Paribas (qui finance Wave) a bien compris qu’elle devait élargir sa palette d’accompagnement des entreprises au-delà du seul financement », affirme-t-il.




Retrouvez Navi Radjou à La Cité de la Réussite lors du débat “L’audace au pouvoir : peut-on encore changer le monde ?” le 8 novembre à 14h30 à La Sorbonne (6 euros le débat). Inscrivez-vous ici.

Dominique Pialot & Pascal de Rauglaudre

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