Demain n’attend pas : à l’écoute des Inspirants

Avec ses 75 épisodes de son podcast "Demain n’attend pas" et la publication de 'Les Inspirants', Delphine Darmon explore les parcours de ceux qui mettent leur métier au service du bien commun et des transitions. Elle nous partage les coulisses de ses rencontres inédites.

 

Entrepreneurs d’avenir : Vous avez lancé le podcast “Demain n’attend pas” qui a maintenant 75 épisodes. Pourriez-vous nous préciser votre démarche et comment choisissez-vous les acteurs engagés que vous interviewez ?

Delphine Darmon : J’ai lancé mon podcast au lendemain du premier confinement du Covid, à mon retour des États-Unis où j’avais passé sept années.
Je venais de fermer une startup de boisson en commerce équitable, qui m’avait amenée sur les routes de Casamance à la rencontre de mes fournisseurs de matières premières. J’étais allée dans les villages et avais rencontré les femmes en charge des récoltes et de la transformation de mes fruits. J’en étais revenue bouleversée. Pour la première fois, et après des années de travail dans la distribution et dans le secteur alimentaire, je faisais face à ma responsabilité, pour que les personnes qui nous nourrissent, celles et ceux qui sont en charge des récoltes, puissent vivre de leur travail.

J’en ai gardé la ferme conviction que la responsabilité du monde de l’entreprise devait être repensée et étendue.
Et la conscience que cette responsabilité était souvent ignorée.
Pour partager cette conviction, le podcast me semblait un média idéal.
Je croyais à la force des modèles inspirants et décidais d’interviewer celles et ceux qui inventent et construisent le monde de demain. J’espérais que leurs histoires nous mettraient à notre tour en mouvement.
J’aimais ce format long qui laisse le temps aux hésitations et aux doutes, aux chemins tantôt glorieux tantôt douloureux, aux apprentissages et aux questionnements.

C’est ainsi que Demain N’attend Pas est né. Depuis 3 ans et demi, je sors un épisode toutes les deux semaines.
Parce que les enjeux sociaux et environnementaux sont liés et que nous avons besoin de la mobilisation de tous, les épisodes alternent des personnalités issues des entreprises, des associations, des scientifiques, des artistes, des politiques, des avocats ….
Mes invités ont en commun de penser les problèmes majeurs de notre monde et de s’y attaquer vigoureusement. Ils refusent le statu quo. Ils sont créatifs et constructifs.

Vous êtes l’autrice du livre “Les Inspirants”, sous-titré « Faire de son métier un engagement », qui est sorti récemment. Vous dialoguez avec des personnes qui s’engagent pour le bien commun et qui ont placé cet engagement au cœur de leur métier (Boris Cyrulnik, Jean Louis Etienne, Nicolas Chabanne, JR, REZA, Marine Calmet…). Comment cet engagement de mettre son métier au service d’un monde meilleur s’exprime dans le parcours de ces héros des temps modernes ?

Je me suis beaucoup interrogée sur la figure du Juste.
Qu’est ce qui fait, qu’à un moment, une personne choisie d’endosser une responsabilité pour une cause plus grande qu’elle ? Pourquoi se met-elle en quatre, dédie-t-elle son énergie et son intelligence, passe-t-elle ses temps libres, parfois tout son temps, pour faire avancer cette cause ?

Dans ce livre, j’ai voulu partager les portraits d’une dizaine de femmes et hommes qui se sont engagés et qui ont changé la donne sur un sujet majeur en s’appuyant sur leur métier.
Ils exerçaient dans les domaines du médical, de l’entreprise, du droit, de la gastronomie, de l’art et de la culture… A un moment dans leur parcours professionnels, ils ont été confrontés à des injustices qui leur sont devenus progressivement intolérables.
Ils ont alors choisi de mettre leur compétences professionnelles et leur réseau au service de cette cause.
Ils ont inventé quelque chose de nouveau, ils ont fédéré autour d’eux et ils ont constitué une communauté qui s’est engagé avec eux.
Ensemble, ils ont changé la donne.

Ainsi, Pascal Demurger était-il un patron “normal” avant de devenir une figure iconique du patronat engagé. Ghada Hatem était-elle été gynécologue obstétricienne avant de créer la Maison des femmes.
Mauro Colagreco était-il restaurateur avant d’ouvrir le Mirazur, restaurant invitant à ressentir nos liens avec le vivant.
Abdelaali El Badaoui était-il infirmier à domicile avant de créer Banlieues Santé
etc, etc, etc…

Quelles ont été vos rencontres les plus marquantes ?

Ma rencontre avec Boris Cyrulnik restera ancrée dans ma mémoire à jamais pour des raisons très personnelles. Nous avons longuement évoqué son histoire d’enfant caché, le silence dans lequel il était emmuré après guerre et son chemin de résilience. Cet échange avait une résonnance particulière par sa proximité avec l’histoire de mon père. Les paroles de Boris Cyrulnik m’ont permis de mettre des mots sur mon histoire familiale.

Maintenant, j’ai coutume de dire que ma rencontre la plus marquante est celle avec mon dernier invité. Chaque interview laisse une trace très forte en moi. Toutes m’ont progressivement transformée.

J’ai notamment été profondément marquée par
– le refus du déterminisme de la championne paralympique Marie-Amélie Lefur,
– l’intelligence de Marine Calmet dans sa remise en cause des fondamentaux de notre système juridique,
– l’humanité profonde de Laure Delaporte fondatrice d’une ONG qui accompagner les jeunes des bidonvilles,
– la capacité à rêver sans limite de l’explorateur Jean-Louis Etienne, de Bertrand Piccard (explorateur, fondateur de Solar impulse) ou de Pascal Asselin (fondateur de Morfo)
Tous m’impressionnent beaucoup et me font grandir.

Vous-même avez modifié votre parcours professionnel après avoir été longtemps au service de grands groupes. Comment cela s’est passé ? Auriez-vous pu faire ce choix avant ?

J’ai longtemps exercé dans des grands groupes de distribution et y ai été heureuse. Je n’aurais pas pu passer des postes corporate aux métiers que j’exerce aujourd’hui. J’étais “programmée” pour poursuivre ma progression de carrière sans m’interroger outre mesure sur la façon dont je pouvais impacter positivement le monde.

Il m’aura fallu sortir de l’autoroute professionnelle par l’effet d’un départ aux Etats Unis, pour m’autoriser à aller vers des voies plus entrepreneuriales et à mettre mes compétences au service de causes qui me sont chères.

Aujourd’hui, ma mission est d’inspirer les individus et d’accompagner les entreprises pour devenir plus responsables et retravailler leur modèle économique au vu des limites planétaires.
Avec le podcast et le livre, je diffuse des récits pour nous mobiliser tous, chacun dans nos zones de compétence.
En parallèle, j’accompagne des entreprises dans leur transformation responsable. Et je collabore à des Comités de mission et des Conseils d’administration d’entreprises engagées et d’association.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui aspirent à s’engager tout en mettant leur métier au service d’une cause ? Comment appréciez-vous ces jeunes qui veulent bifurquer et donner tout de suite un sens à leur métier, et ce, dès leurs formations en poche ?

Je les encouragerais bien sur.
Que je m’adresse à de jeunes diplômés ou à des personnes ayant une expérience plus longue, je conseillerais à tous de se poser les questions suivantes :
– Mon entreprise / ma profession a-t-elle une véritable utilité sociale ? Répond-elle à un besoin réel des citoyens (nous nourrir, nous loger, nous soigner, nous éduquer…) ?
– Si c’est le cas, quelles sont les conséquences sociales et environnementales de sa production / de son service ?
– Si ces conséquences sont problématiques, a-t-elle une volonté de retravailler son modèle pour réduire ses externalités négatives ?
– Si oui, pouvez-vous participer à cette transformation ?
Ces questions sont un bon fil rouge pour savoir si on veut continuer à exercer dans cette entreprise / ce métier. Si on entend trop de contradictions dans les réponses, c’est qu’il est temps de partir mettre nos talents au service de quelque chose de plus utile pour le monde. Ne nous contentons plus de gagner notre vie,
Ensuite, une fois cette décision prise, c’est comme toute recherche d’emploi. Il faut rencontrer un grand nombre de personnes qui exercent une activité dans le secteur qui semble vous intéresser.
Et après ? Après foncez, essayez, tombez, relevez-vous. Votre chemin se dessinera progressivement.

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