Discrets et performants : ce sont les Champions cachés de Normandie

Comment les Champions cachés, ces entreprises méconnues et très compétitives, tirent vers le haut l’ensemble du tissu industriel de la région, par Bernard Quirin, directeur d’études à la Caisse des dépôts, qui les a débusquées.

 

Entrepreneurs d’avenir – Comment caractérisez-vous les Champions cachés ?

Bernard Quirin – Un Champion caché, c’est une PME ou une ETI, peu connue du grand public, qui tend à dominer un marché de niche en Europe et dans le monde. À l’écart des grandes métropoles et des grands axes de circulation, elle échappe aux règles de la localisation industrielle. Elle exporte, innove et investit sur le long terme. Son management est stable, et la rotation de ses effectifs très faible. Elle est proche de ses clients, et sa culture d’entreprise est forte.

D’où vient ce concept ?

Il a été lancé par deux économistes, un Allemand, Hermann Simon en 1996, et un Français, Stephan Guinchard, qui ont publié ensemble un livre sur le sujet en 2012. Ils cherchaient des entreprises françaises semblables à celles du fameux Mittelstand allemand. Ils estimaient leur nombre à quelques centaines. En réalité, il y en a beaucoup plus, mais elles sont cachées !

Pourquoi ces Champions restent-ils cachés ?

La politique industrielle et l’attention du public sont focalisées sur les difficultés des entreprises. Une cheminée qui tombe fait plus de bruit qu’une usine qui pousse ! À l’inverse, les Champions cachés sont peu connus des pouvoirs publics : ils demandent peu d’aides, n’appellent pas au secours et autofinancent leur développement. Du coup, ils passent en dessous des radars. C’est en remarquant une reprise des investissements en 2014 que je les ai découverts.

Fallait-il les débusquer ?

Oui, ils ont tout à gagner à se rencontrer. Ils lancent des collaborations, comme en Normandie, où plusieurs entreprises collaborent à la réalisation de l’enceinte Phantom de Devialet, vendue dans le monde entier. Leur succès, qui s’explique par la montée en gamme et l’export, a un effet d’entraînement sur l’ensemble du tissu industriel. En se regroupant autour de problématiques communes, ces entreprises font remonter plus facilement leurs besoins aux pouvoirs publics. Elles n’ont pas besoin de financements, mais d’une main-d’œuvre capable de se former tout au long sa vie, et donc de formations solides, y compris, pour ces exportateurs, en anglais.

Quelle est la radiographie des Champions cachés en Normandie ?

La Normandie compte 22 zones d’emploi. D’après notre estimation, chacune d’elles compte en moyenne trois ou quatre Champions, qui peuvent aider d’autres entreprises à le devenir, pour aboutir à des sortes d’incubateurs de Champions cachés. En Normandie, ces derniers sont au cœur de la stratégie régionale de développement économique et d’internationalisation des entreprises, un contrat d’objectifs négocié entre la Région et l’État. Grâce à ses entreprises très compétitives, la Normandie est une des rares régions qui accepte de jouer ouvertement le jeu de la mondialisation.

Comment sont-ils organisés ?

La Région a lancé des clubs de Champions cachés, servie par une stratégie d’intelligence économique, qui se base sur une mine d’or encore sous-utilisée : la veille sur les tendances émergentes de l’économie mondiale. Une tendance qui apparaît en Asie se mondialise en 18 mois à 2 ans. Voyez l’exemple du scandale du lait empoisonné à la mélamine en Chine en 2008 : les industriels ont su en tirer des leçons avec succès, comme la coopérative d’Isigny qui vend du lait maternisé infantile aux Chinois. Les succès et la réputation d’excellence que l’agro-alimentaire donne à la Normandie à l’international entraînent d’autres industries, de l’électronique aux équipements aéronautiques. Toutes concourent à assimiler la notion de qualité et d’excellence des savoir-faire à un territoire : la Normandie. Comme jadis les Allemands avec « Deutsche Qualität ».

Qu’avez-vous retenu de votre participation au Happy Business ?

J’ai rencontré des entrepreneurs extrêmement motivés, très ouverts, qui travaillent sur des projets extraordinaires. C’est une bonne façon de les mettre en relation, ils repartent avec une image nouvelle de leur territoire, un peu comme les Champions cachés !

 

Pascal de Rauglaudre

 

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