D’une Start-up nation à une « Impact nation »

Dans le cadre d'une tribune cosignée, Guillaume Desnoës, fondateur d'Alenvi, propose une feuille de route politique et économique ambitieuse pour une convergence sociale et écologique.

Vous avez coécrit une tribune pour une politique ambitieuse de l’impact. Vous mentionnez qu’on ne part pas d’une feuille blanche pour mettre l’impact au cœur de notre économie. Pouvez-vous développer ?

Guillaume DESNOËS : La startup nation est aujourd’hui une réalité. Plusieurs dizaines de licornes, ces startups valorisées plus d’1Md€, ont vu le jour en France.

Mais ce dynamisme a peut-être parfois fait un peu d’ombre à une autre dimension fondamentale de notre économie. Il faut le dire aujourd’hui avec force : l’économie française ne fonctionne pas uniquement sur le ressort de la compétitivité. Depuis plus de deux cents ans, elle se développe aussi grâce aux efforts d’hommes et de femmes dont le mobile principal est la résolution de problèmes sociaux, sociétaux, et plus récemment environnementaux. Les caisses d’épargne, les banques populaires, les caisses de crédit mutuel, les mutuelles d’assurance…Tous ces services essentiels de notre quotidien existent parce que l’économie sociale et solidaire les a développés.

L’économie française a toujours marché sur ces deux jambes et cela doit guider notre politique de soutien. D’un côté, il faut aider les entreprises qui le souhaitent à être toujours plus compétitives, pour être à la pointe de l’innovation et gagner des parts de marchés à l’international. D’un autre côté, il faut encourager et accompagner les entreprises à être toujours plus contributives, c’est-à-dire à apporter des réponses aux enjeux sociaux et environnementaux.

On a trop souvent opposé ces deux modèles, laissant croire que l’économie sociale et solidaire (ESS) était une « niche », représentant certes 10% de notre PIB, mais destinée à demeurer une exception à côté de l’économie « classique ». Il faut dépasser cette opposition. L’économie de l’impact que nous souhaitons est à la fois un dépassement de l’ESS et une profonde mutation de notre modèle de capitalisme. Ces deux mondes doivent cohabiter, échanger, s’enrichir, pour créer de la valeur économique, environnementale et sociale. Cette économie de l’impact, nous n’en avons jamais eu autant besoin, face aux crises que nous traversons !

L’une des ambitions de cette tribune est de générer un engouement politique, économique et citoyen. Quels sont les autres leviers à notre disposition pour créer cette Impact Nation dont vous parlez ?

La révolution de l’impact est déjà à l’œuvre. Pour l’instant, elle prend la forme d’une « grande démission ». De plus en plus de salariés et de jeunes diplômés refusent de participer à la fin du monde pour assurer leur fin du mois. Ils font émerger des solutions prometteuses, hors du monde de l’entreprise traditionnelle, dans des associations, des entreprises sociales, ou au sein de collectifs. De nombreuses organisations et réseaux encouragent ces initiatives et ces transformations.

Face aux crises environnementales et sociales, il y a urgence. Pour amplifier la révolution de l’Impact, il nous faut :

  • Rassembler les forces – Nous continuons d’opposer trop souvent ceux qui défendent le contre-modèle de l’ESS et ceux qui changent les entreprises de l’intérieur, mais n’appartiennent pas, à proprement parler, à l’ESS. La transition en cours exige une convergence des approches. Elle ne peut s’accommoder ni d’une défense catégorielle d’un secteur, ni évidemment des risques évidents de « greenwashing » ou de « socialwashing », qui dénatureraient l’ambition des pionniers. Réunissons les énergies au sein d’un Conseil national de l’impact avec les représentants de l’ESS, des sociétés à mission, de la finance à impact, de la RSE.
  • Clarifier – Les forces vives de notre pays ont besoin d’un cadre simple et clair pour inventer les nouveaux modèles économiques contributifs. Le modèle de gouvernance de la « société à mission » peut être encore renforcé et devenir le socle de base des organisations engagées. Certaines vont un cran plus loin, avec des engagements de lucrativité limitée et de gouvernance partagée en choisissant un statut ESS. Elles méritent d’être reconnues, accompagnées et de bénéficier d’avantages à des degrés variables selon de leur engagement, au-delà de ceux qui existent déjà comme l’accès à la finance solidaire. C’est un écosystème global que nous devons créer, un continuum d’organisations, avec des statuts différents, des niveaux d’engagement différents, mais participant à l’émergence d’une économie de l’impact.
  • Accompagner – Cette économie de l’impact n’a rien d’une « niche » étriquée. Elle est au contraire attractive, capable de se développer, y compris au-delà de nos frontières. Elle a besoin d’être soutenue, comme l’écosystème « tech » au cours des cinq dernières années. En mettant en avant les champions de cette « impact nation » ; en expliquant ce concept dans les écoles, les réseaux professionnels ; en faisant de l’impact un outil de reconquête de nos territoires ; en interrogeant le fonctionnement et la gouvernance des secteurs du soin, de la dépendance ou de l’éducation.

Vous êtes par ailleurs cofondateur d’Alenvi. Votre activité depuis quelques années nourrit-elle votre réflexion et engagement sur la place de l’entreprise sur la société ?

Oui. J’observe à quel point l’entreprise peut être un lieu de changement social, de progrès, un lieu politique. Nous attendons beaucoup des lois, mais nous devons aussi tous, salariés, dirigeants, exiger que notre travail contribue à apporter des réponses aux crises environnementales et sociales, exiger qu’il nous permette de nous exprimer en tant que citoyens. Je pense que quand nous porterons chacun cette exigence dans notre sphère d’influence, cela incitera fortement nos décideurs politiques à mettre leurs actions en cohérence.

 

Cette tribune a été rédigée dans le cadre de l’élection des présidentielles.

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