Hectar, le plus grand complexe agricole du monde

Audrey BOUROLLEAU présente Hectar, école gratuite d'agriculture sur plus de 600 hectares aux portes de Paris, et esquisse son intervention au Parlement des Entrepreneurs d'avenir sur le thème « Ils ont basculé : ces héros des modèles transformateurs ».

Vous interviendrez à l’occasion du Parlement des Entrepreneurs d’avenir et de l’Université de la terre, à l’UNESCO, le 25 novembre, sur le thème « Ils ont basculé : ces héros des modèles transformateurs ». Vous dites avoir voulu réconcilier ce que d’autres veulent opposer, c’est-à-dire les bonnes pratiques agronomiques, économiques et sociales. En quoi le modèle HECTAR est transformateur ?

Audrey BOUROLLEAU : Face à un défi sans précédent du renouvellement des générations agricoles (160 000 fermes à reprendre d’ici 3 ans en France) et dans un contexte de bouleversement climatique, nous devons accompagner les prochains agriculteurs dans leur projet entrepreneurial en leur permettant de vivre de leur métier, de préserver l’environnement et de veiller à leur équilibre de vie. L’ADN d’HECTAR c’est l’entrepreneuriat. Être un chef d’entreprise agricole, c’est d’abord prendre soin de son actif et donc préserver des sols agricoles vivants. 50% de la surface de notre pays est composée de terres agricoles et un quart d’entre elles souffrent d’érosion.

Pour y parvenir, il devra mettre en place des pratiques permettant de régénérer les sols. Il devra aussi créer de la valeur pour assurer la viabilité économique de son projet soit en transformant une partie de sa production sur sa ferme, soit en produisant des énergies vertes, soit en gérant des biodéchets, ou encore en choisissant de faire de l’agrotourisme. La marche d’investissement est haute et les compétences diverses à acquérir sont à la fois nouvelles et diversifiées. Ce qui est réjouissant c’est que ces nombreuses activités vont créer de l’emploi, permettre de participer au maintien d’un tissu rural actif et dense sur tout le territoire.

HECTAR se présente comme le plus grand campus agricole au monde. En quoi est-il si grand ? et qui formez-vous et pour quelle ambition?

Le campus s’étend sur plus de 600 hectares aux portes de Paris. Mais au-delà de sa taille, c’est surtout sa nature qui est singulière parce qu’elle signe notre ambition. Nous réunissons en un seul et même lieu une ferme pilote en transition, des sessions de formations, des startups, une maison pédagogique dédiée aux jeunes et accueillons des entreprises pour des séminaires à impact. En faisant le pari de la rencontre entre tous ces acteurs, nous voulons écrire une partie des solutions audacieuses pour l’agriculture et l’alimentation.

Dès l’origine, nous avons également intégré la dimension européenne. C’est déterminant pour l’activité d’innovation au sein de notre accélérateur de startups, en effet lorsque nous parlons d’innovation agricole, nous devons viser au minimum le marché européen, voire international. L’Europe est la première puissance agricole mondiale, nous avons un rôle majeur à jouer. L’agriculture fait partie des secteurs déterminants pour lutter contre le réchauffement climatique, assurer notre souveraineté alimentaire mais aussi pour produire de l’énergie, des matières pour l’habillement et la construction.

Vous présentez le projet d’une agriculture régénératrice. Qu’entendez-vous par agriculture régénérative ?

L’agriculture régénérative part de l’idée que les sols sont à la base de tout. Les sols agricoles c’est 50% de la surface de notre pays. Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, il faut non seulement préserver leur santé, mais en plus en faire des puits de carbone.

L’agriculture régénérative regroupe l’ensemble des pratiques agricoles dont l’objectif premier est de renforcer naturellement la qualité des sols, de restaurer leur fertilité et de préserver la biodiversité. Il s’agit notamment de quelques principes clés : travail minimal du sol, couverture du sol et rotation des cultures. Ces pratiques permettent de rendre les sols plus résilients à la sécheresse et aux inondations. L’intégration d’arbres permet en outre d’améliorer la capacité du sol à absorber l’eau.

Vous réalisez des immersions pour les jeunes, afin de leur faire découvrir les métiers agricoles. Comment cela se déroule et comment les jeunes peuvent être invités ?

Nous avons en effet une activité de sensibilisation des jeunes de 3ème lors de leur stage. Ils peuvent s’inscrire directement sur notre site internet. L’objectif est de leur faire découvrir des métiers par la rencontre d’agriculteurs, de vétérinaires, dont nous manquons cruellement en zones rurales, de naturalistes mais aussi de codeurs et data scientist. La Tech est aussi un levier de transition agricole via la bonne compréhension des données de plus en plus nombreuses. Nous accueillons également des groupes scolaires d’écoles primaires. C’est plus de 1000 jeunes qui ont été sensibilisés sur un an. Très tôt nous voulons insuffler de la fierté à entrer dans les métiers du secteur agricole.

HECTAR a intégré un accélérateur de start-ups, quelles sont les innovations qui viennent se développer chez vous et quel est le profil des entrepreneurs ? 

Nous avons un objectif de 80 startups à accélérer en 2 ans. Elles arrivent au rythme de 10 tous les 3 mois et nous en avons déjà accompagné 23. Il a été créé avec l’incubateur HEC Paris. Ces startups se positionnent sur toute la chaîne de valeur du champ à l’assiette : des solutions alternatives aux pesticides, à la foodtech, en passant par des solutions d’organisation du travail. Les startups répondent toutes à un enjeu de transition.  Il s’agit d’entreprises ayant déjà trois ans d’existence et une dizaine de salariés. Nous voulons offrir à ces fondatrices et fondateurs un accompagnement sur mesure qui leur permettra de passer à l’étape d’après. Nous devons les aider à avoir une dimension européenne ou internationale notamment par la mise en réseau avec d’autres accélérateurs européens.

Nous avons aussi un rôle majeur à jouer auprès des fonds d’investissement. L’Agritech doit attirer des financeurs. Nous manquons de fonds notamment sur les solutions de l’amont agricole, qui sont celles qui ont le plus d’impact face au dérèglement climatique. D’ici 2050, un agriculteur n’aura que 28 essais, un par an, en devant composer avec le climat. Il faut donc accepter un temps plus long de retour sur investissement car l’itération n’est pas la même dans ce secteur. Pour aller encore plus loin, depuis septembre, nous avons décidé de remonter la chaîne avec le lancement d’un AgriStartups Studio en liaison avec Technofounders.

L’objectif cette fois est de créer 15 startups AgTech, en 8 ans pour pallier notre retard en matière de technologies et d’innovation. Seuls 6% de la totalité des fonds levés par toutes les startups françaises depuis 2015 sont alloués au secteur agricole. Nous avons beaucoup à faire.

 

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