La mobilité responsable c’est possible

Yann Arnaud, directeur Réponses Besoins Sociétaires et Innovation à la Macif, nous partage les enjeux de la mobilité à l'heure des transitions écologiques et comment son groupe y répond.

 

Entrepreneurs d’avenir : La Macif est le premier assureur auto en France. Quels sont les enjeux de la mobilité durable, à l’heure des transitions écologiques ? Quelle est l’approche de la Macif ?

Yann Arnaud : Même si cela peut apparaître paradoxal, la Macif ne craint pas l’évolution des habitudes de mobilité et la transformation du parc roulant.

Certains prédisent, depuis longtemps déjà, la fin de l’automobile : ils habitent souvent en ville, avec beaucoup de solutions alternatives à disposition. Mais les récents mouvements sociaux ont montré que l’automobile individuelle, dans beaucoup de territoires et de situations, restait la seule solution de mobilité possible. On doit évidemment soutenir toutes les initiatives qui feront que le parc automobile roulant pèse moins sur l’environnement et qu’une forme de rationalisation de l’utilisation des véhicules se développe : ce mouvement est déjà culturellement amorcé avec la croissance de nouveaux usages comme le covoiturage ou l’autopartage.

Parallèlement, il faut faire en sorte d’encourager la frugalité dans la conception des véhicules, en limiter au maximum le poids par des innovations techniques et aller au bout du mouvement engagé pour ne plus fabriquer de véhicules équipés de moteurs à énergie fossile.

Il faut aussi probablement considérer que la voiture individuelle n’a plus vraiment sa place au cœur des villes, disposant désormais de nombreux moyens de déplacements alternatifs performants, de la trottinette aux transports collectifs. A ce titre, limiter la prégnance trop importante de la « voiture de ville » est sans doute une très bonne idée.

A contrario, il faut être très vigilant à conserver une approche différenciée pour la « voiture des champs » : celle qui, seule, permet aux citoyens d’aller travailler, d’accéder aux commerces, à la culture ou à la santé dans les zones péri-urbaines ou rurales. Décider, sans discernement, qu’elle doit disparaître partout est facteur d’inégalité et de tension sociale, d’un risque de fragilité de la société dont les impacts à long terme peuvent être dramatiques.

En conclusion, il faut probablement considérer que la mobilité durable est avant tout une mobilité multiple, optimisant l’utilisation des différents moyens physiques – voiture, bus, rail mais aussi vélo ou deux-roues – pour s’adapter aux besoins individuels de tous.

La Macif est engagée sur la mobilité inclusive. Quelles sont vos actions sur ce registre ?

A la Macif, nous sommes convaincus que le droit à la mobilité est le droit des droits. Quand on parle de mobilité, on ne parle pas simplement de se déplacer d’un point A à un point B, on parle aussi d’accès à l’emploi, à la culture, de maintien des liens sociaux. On parle de désenclavement des territoires. On parle d’inclusion des populations fragiles, personnes souffrant de handicap ou personnes âgées. La Macif, par sa double dimension d’assureur et de mutualiste, considère qu’elle doit contribuer à rendre l’accès à la mobilité ouverte au plus grand nombre.

Elle le fait en proposant des contrats adaptés à tous les usages et facilitant le quotidien de ses sociétaires mais aussi en soutenant pleinement le développement des modes de mobilité alternatifs au véhicule individuel. On ne sait pas forcément que la Macif est l’assureur de la majorité des structures d’autopartage –commerciales ou coopératives- en France. Elle est aussi partie-prenante de structures de covoiturage comme la nouvelle structure Mobicoop qui vient de fusionner avec un autre acteur de l’économie sociale, Rezopouce. De manière générale, la Macif essaye de soutenir toutes les initiatives qui visent à rendre la mobilité plus simple, moins chère et surtout plus également répartie sur le territoire : de nombreuses nouvelles solutions sont encore à inventer dans ce domaine.

Son action est aussi prospective : la Macif est à l’origine d’une réflexion, de plus en plus partagée, pour favoriser l’émergence d’une forme originale pour le véhicule autonome : celui de navettes autonomes électriques partagées en zones péri-urbaines ou rurales.

Un décret publié le 1er juillet autorise les véhicules autonomes à circuler en France dès septembre 2022. Comment Macif intègre t’elle cette révolution dans son offre ?

Ces évolutions ne bouleversent pas notre approche du risque. Au contraire, elles mettent tous les acteurs qui travaillent sur le véhicule autonome dans une plus grande sécurité juridique.

Jusqu’à présent, qu’il en soit conducteur ou simplement gardien, la responsabilité civile de l’utilisateur d’un véhicule était toujours engagée en cas d’accident : tout le monde a appris lors de ses leçons de conduite que l’on devait rester maître de son véhicule en toutes circonstances. On mesure bien que ce cadre n’était plus adapté au véhicule autonome, à qui l’utilisateur délègue justement la conduite pour des périodes plus ou moins longues. En clarifiant les responsabilités du conducteur, du constructeur ou de l’organisateur du service de mobilité autonome, suivant que la maîtrise du véhicule est déléguée ou pas, il permet d’installer un nouvel environnement assurantiel stable. Il instaure la possibilité de faire jouer la responsabilité du constructeur s’il peut être prouvé, qu’au moment d’un accident, le véhicule était en mode délégation de conduite. C’est pour constituer cette preuve, que les futurs véhicules autonomes seront équipés de systèmes d’enregistrement et que les dispositifs eux-mêmes seront certifiés : ce sera le cas, dans un premier temps, du dispositif de maintien dans la ligne de conduite.

Tout n’est pourtant pas encore réglé par ce texte : si le rôle de l’assureur est réaffirmé – c’est lui qui prendra en charge les conséquences matérielles ou corporelles de l’événement et l’indemnisation de la victime– il faut encore faire en sorte que l’exercice des recours par cet assureur auprès des éventuels responsables –constructeur, gestionnaire d’infrastructure, organisateur du service de mobilité, etc. – soit efficace et rapide. Bref, que la moindre collision automobile ne s’apparente pas à la complexité de gestion d’un crash aérien !

Le seul point qui préoccupe réellement les assureurs est le risque de voir émerger dans les années à venir de « nouveaux » accidents liés à la mauvaise compréhension ou à la sur-confiance des utilisateurs dans les nouveaux systèmes d’aide à la conduite. Il faut que tout le monde intègre bien que certains systèmes baptisés, par exemple, « auto-pilot » ne sont absolument pas des systèmes de conduite autonome et que l’attention du conducteur ne doit se relâcher à aucun moment.

Quel avenir pour le véhicule autonome pour tous ?

Il a un grand avenir. C’est même probablement sous une forme de navette partagée dans des zones dépourvues d’autres solutions que le véhicule individuel classique qu’il peut se développer le plus vite. En particulier, dans les zones péri-urbaines ou rurales. C’est là qu’il apportera un vrai service nouveau au plus grand nombre.

Ce n’est évidemment pas sous cette forme et dans ces zones qu’il est apparu, il y a quelques années, dans l’imaginaire collectif mais le modèle collectif représente probablement le plus grand potentiel pour le véhicule autonome dans le futur.

Sous la forme d’un véhicule premium, il sera réservé à une élite et, devant circuler partout et dans toutes les conditions, il présente un niveau de complexité qui fait qu’il mettra encore beaucoup de temps pour être réellement au point et sûr.

Le véhicule autonome, sous forme de solution partagée, pensé pour une large population d’utilisateurs – allant des enfants aux seniors, des personnes ayant un besoin réduit de mobilité aux personnes handicapées-, circulant sur des zones limitées mais parfaitement maîtrisées en termes de risques, va probablement s’imposer beaucoup plus vite.

L’environnement, et en particulier les nouvelles possibilités offertes par la loi LOM aux collectivités d’être organisatrice de mobilité, est évidemment un facteur favorable pour cette émergence. Certes, le modèle économique reste à trouver mais, comme l’attente des consommateurs est là, il n’y a pas de doute qu’il finira par être trouvé.

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