Le groupe NEOFOR, un « modèle » de conception et de production dans la filière bois

Le groupe NEOFOR est le nouvel acteur de la transformation bois en France. Jérôme Lescure, CEO du groupe, nous présente les principaux enjeux et démarches environnementales dans la filière bois française.

Jérôme LESCURE, vous dirigez le groupe NEOFOR, implanté notamment en Haute-Savoie, la plus grande scierie du département ? Pouvez-vous nous dire pourquoi, après un parcours professionnel très riche sur des secteurs très variés en France et à l’étranger, vous avez choisi de vous investir totalement dans la filière bois française ?  

Jérôme LESCURE– Ce choix a été guidé par trois dimensions : une passion, une réalité et une intuition. Fin 2012, l’opportunité de faire une projection professionnelle un peu différente de ce que j’avais réalisé avec succès les 30 années précédentes, m’a poussé à aller vers un choix plus engagé, plus exposé, plus proche du terrain. Depuis mon plus jeune âge, j’ai une passion pour la Forêt et le Bois. En France la réalité est la suivante : la filière bois représente le deuxième déficit de la balance commercial (- 9 Milliard €) alors que nous disposons de la 3ème forêt européenne. Mon intuition était la suivante : nous avons / allons basculer dans un nouveau paradigme économique sous la contrainte des enjeux climatiques – écologiques.

 Pouvez-vous nous indiquer les principaux enjeux de cette filière française ?

 La filière Bois Française est en construction depuis de nombreuses années et malheureusement n’est pas encore une filière dans sa réalité opérationnelle. Elle ne permet pas une réponse compétitive « consolidée » à l’échelle de notre pays.  Elle souffre d’une extrême fragmentation et d’un manque de coopération et de coordination entre les principaux acteurs. Cette barrière a été dépassée chez nos concurrents allemands et scandinaves et a permis l’émergence de très gros acteurs aujourd’hui leaders sur le marché Européen.

Quelles sont actuellement les principales initiatives et démarches environnementales entreprises sur votre secteur ?

Cette filière, malgré certaines faiblesses est particulièrement à la pointe en matière de réponse aux enjeux climatique, écologique et sociétaux. Dès son origine la forêt est un puit de carbone. Les forêts françaises sont en croissance constante (en surface et  en volume) sur nos territoires.  Elles représentent des ressources durables et renouvelables (+120 Mm3 d’accroissement annuel, à comparer à un prélèvement annuel de 66 Mm3 (55%). Notre forêt séquestre chaque année 83 Mt de CO2 soit 18% des émissions nationales de gaz à effet de serre. La transformation du bois en produit – construction, meubles, emballage, papier-cartons- permet sur des durées variables (année – siècle) de poursuivre le stockage du carbone. La croissance annuelle du stock est d’environ 2,3Mt de CO2.

Enfin, les effets de substitution de matière (le bois remplace un produit moins favorable en CO2) et de substitution d’énergie, (le bois remplace une énergie fossile) sont très contributifs et représentent 32,8Mt CO2 « évité » par an. Avec un impact consolidé qui représente une réduction d’émission équivalente à 25% des émissions annuelles françaises de GES, nous avons donc un formidable outil pour apporter une réponse collective à ces enjeux climatiques et écologiques.

Par ailleurs, la forêt et les étapes de valeur ajoutée qui s’y attachent représentent une source d’emplois importante dans des territoires ruraux.

 Vous travaillez depuis de nombreux mois sur un projet de scierie de 2ème transformation 4.0 au cœur de la forêt lozérienne. Quelles sont les principales caractéristiques de ce projet et quels sont les bénéfices qualitatifs et quantitatifs que l’on peut raisonnablement en attendre, pour votre groupe, et au-delà pour la filière bois française ?

Notre projet situé en Lozère à Mende, est construit autour de 4 piliers :  les Hommes, la ressource forestière, les marchés et une industrialisation innovante. L’usine est conçue pour fabriquer des panneaux de bois massif multicouches.

  • Les Hommes : Une équipe de 25 à 62 ans, qui a une expérience cumulée considérable, dans la filière et hors de la filière. Autour de cette équipe, un réseau d’expertises externes (architecture, ingénierie, assistance à la maitrise d’ouvrage, production et industrialisation) qui renforce et sécurise l’exécution de notre projet. Une alliance avec les écoles, ENSAM Cluny, Université de Montpellier (master Bois) pour préparer nos futurs recrutements.
  • La ressource forestière : les 10 essences – feuillus et résineux sont localisées à moins de 100 Km du site. La quantité disponible est deux fois supérieurs à nos besoins pour les 15 prochaines années. Cette ressource (majoritairement labellisée PEFC) est gérée durablement, par les différents acteurs, ONF, coopératives forestière, exploitants et propriétaires privés. La diversité de nos achats et notre poids économique contribueront directement aux enjeux de développement et à l’entretien à long terme de ces forêts.
  • Les marchés : Nous ciblons en priorité le marché de l’aménagement, l’agencement, l’ameublement et la menuiserie. Ce marché, d’environ 1,8 Milliard €, est fortement importateur. Il est accessible via une distribution professionnelle spécialisée qui offre des services de stockage et distribution très adapté à la configuration du marché (petites structures, large couverture géographique).  Par ailleurs, nous répondons à une aspiration des consommateurs pour des produits plus naturels accessibles. Nous devrions bénéficier d’un cadre réglementaire extrêmement favorable : la RE2020. L’objectif de cette réglementation est clair, réduire de 30% l’impact environnementale des bâtiments neufs d’ici à 2031 Cette réglementation conduit à repenser les produits de construction et offre l’opportunité d’apporter des solutions bois de substitution. Nous avons engagé des discussions et des tests très positifs avec les grands acteurs sur ces marchés.
  • Notre future usine est conçue pour être durablement compétitive à l’échelle européenne, elle se construit autour de technologies éprouvées. Trois axes soutiennent notre stratégie d’industrialisation innovante :
    • Un produit normalisé et breveté : « panneau de 8’X4’, 12 épaisseurs, 10 essences » soit aux maximum 120 références industrielles ». Un concentré de valeur ajoutée, aux bénéfices des clients. (Plus simple d’usage, plus économique, plus stable, avec une diversité d’essences qui n’est pas/plus accessible). Notre projet est basé sur la technique du déroulage du bois et non du sciage. Elle permet de fabriquer des panneaux de « bois massif multicouches ». Cette technique présente plusieurs atouts en particulier l’utilisation de gros bois (diamètre >40cm) bois actuellement pas ou très peu valorisés et permet un rendement matière supérieur au rendement observé dans les scieries / raboteries les plus performantes.
    • Un process industriel qui met en œuvre des équipements fiables et connus. Qui intègre les évolutions 4.0 de l’industrie (data management, IOT, …) permettant de gérer la diversité de nos ressources. Notre conception industrielle optimise et valorise au mieux l’usage de la ressource brute.
    • Un projet qui dès son origine a intégré l’autonomie énergétique (chaleur, électricité). Dans le contexte actuel et probablement futur, cette conception présente une sécurité d’approvisionnement et une compétitivité économique exceptionnelle.

Pouvez-vous nous dire à quel stade d’avancement se situe votre projet ? Que manque-t-il éventuellement encore pour que votre future usine démarre ?

La contribution de ce projet est « une goutte d’eau » dans le rééquilibrage de notre déficit commercial. Néanmoins, il contribue pour notre pays à l’échelle d’un territoire rural à la création de plus de 80 emplois directs et probablement le triple de façon indirect. Il permet le développement d’un pôle d’expertise pour la filière, il est « modèle » dans sa conception et production de valeur ajoutée. Pour NEOFOR ce projet nous permet de renforcer notre positionnement stratégique sur deux activités complémentaires « la construction et l’aménagement ». Enfin au plan économique il nous permet par sa taille et sa forte rentabilité d’offrir de solides perspectives de croissances qui s’inscrivent dans le nouveau paradigme « écologie – économie – social ».

Après deux années de travaux qui nous ont permis de valider une idée et un brevet. Nous avons un projet qui est terminé dans sa définition technique (Appel d’offre), il est autorisé dans sa partie administrative (permis de construire, ICPE) et nous avons validé les aides de la région et de l’état dans le cadre du plan France 2030. Nous avons besoin de sécuriser l’engagements de nos investisseurs, notre planning prévoit une mise en production en T4 2024 après 18 mois de travaux.

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