« Le tourisme propage la tolérance et la paix dans le monde »

Le fondateur du groupe Voyageurs du monde (Terres d’Aventure, Allibert Trekking, Nomade Aventure…), Jean-François Rial, vice-président du Syndicat des voyagistes français et membre de « Agir pour un tourisme responsable » et du réseau Entrepreneurs d'avenir, explique sa démarche face au changement climatique.


Qu’est-ce qui selon vous définit le tourisme responsable ?

Sur le plan sociétal, ce n’est pas très compliqué de bien faire, notamment via la rémunération des prestataires et la redistribution des richesses. De ce point de vue, le tourisme est une activité économique comme une autre. Par exemple, tous nos salariés, jusqu’au chauffeur de notre sous-traitant en Tanzanie, ont droit à une couverture sociale minimum. C’est une des exigences de nos cahiers des charges, et grâce à des relations avec nos prestataires qui s’établissent dans la durée, nous parvenons à faire respecter nos critères. Ce que je trouve complètement nul, en revanche, c’est d’aller voir des tribus indigènes au fin fond de l’Amazonie. D’ailleurs, dans les circuits de Terres d’Aventure, nous nous arrêtons de moins en moins dans les villages des ethnies Mong, par exemple. Selon le degré d’occidentalisation des ces peuples, nos visites sont plus ou moins susceptibles de les perturber, et il faut y renoncer lorsque c’est le cas.

Vous préoccupez-vous aussi de l’impact environnemental du tourisme ?

Chronologiquement, nous nous sommes d’abord préoccupés de l’aspect sociétal. Concernant l’environnement, les volets déchets et eau sont relativement faciles à maîtriser. Nous ne travaillons pas avec le genre d’hôteliers qui pompent l’eau comme des malades pour arroser leur green de golf dans des pays en stress hydrique. Quant aux déchets, c’est en réalité un problème plus lié à la pauvreté dans les pays émergents, qu’au tourisme. En revanche, les choses sont nettement plus complexes concernant le changement climatique.


Selon certaines sources*, le tourisme serait responsable de 50 % des émissions de CO2 d’origine humaine…

Ce chiffre me surprend sachant que le transport représente 25 % des émissions mondiales, l’aérien de 4 à 5 %, et que le tourisme pèse 10 % du PIB mondial… Il n’en reste pas moins que l’impact du tourisme sur le climat est indéniable. L’avion est le dernier endroit où l’on pourra remplacer le pétrole par une autre énergie. C’est bien plus simple dans le bâtiment ou même dans les voitures. Face à cela, on observe deux attitudes : ceux qui s’en contrefichent et continuent comme si de rien n’était, et ceux qui cessent carrément de prendre l’avion. Moi je défends une troisième voie. A partir du moment où l’on connaît le budget carbone auquel a droit l’économie mondiale pour rester en deçà d’une hausse des températures de 2°C, chaque activité doit déterminer son utilité sociale. Concernant le tourisme, en plus de la création de valeur et d’emplois, il faut prendre en compte un rôle d’amélioration des échanges entre les peuples, et de tolérance. Tous les secteurs ne peuvent pas en dire autant.


Essayez-vous néanmoins de limiter votre impact ?

Bien sûr. Certes, nous pensons que le tourisme est un facteur de paix, mais ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi. C’est pourquoi nous nous auto-appliquons, de façon totalement volontaire, les quotas que l’Union européenne avait prévu d’imposer aux compagnies aériennes (mais qui ne le sont toujours pas, ndlr). Nous valorisons 10 % de nos émissions au prix de la tonne de carbone et consacrons cette somme à des projets de puits de carbone. Et pour le personnel Voyageurs du Monde, nous compensons 100 % de nos émissions. Cela représente un budget annuel de 4 à 500 000 €. Nous travaillons avec des partenaires comme la Fondation Danone, autour de projets MDP (Mécanismes de développement propre labellisés par l’ONU après vérification de plusieurs critères, ndlr). Au Brésil, par exemple, nous avons pu rendre des terrains aux sans-terre ; au Sénégal, nous finançons un projet de réhabilitation de la mangrove…


Est-ce une initiative répandue parmi les voyagistes ?

Nous sommes les seuls à le faire. Et si demain les modes de calcul des quotas aériens évoluent à la hausse, nous nous appliquerons cette même hausse. Pourtant, ce n’est pas une préoccupation majeure de nos clients, même s’ils sont probablement plus conscients de ces enjeux que la moyenne des Français. Mais, même si ce que nous faisons est une goutte d’eau, nous pensons que nous avons un devoir d’exemplarité.


Un chiffre d’affaires de près de 365 M €, un résultat de 31 M €… Vos derniers résultats sont particulièrement impressionnants malgré la conjoncture.

Ces résultats reflètent une année marquée par de la croissance externe, mais notre croissance organique est plus modeste, de 7 à 8 %. Quant à notre résultat, il est inférieur à 3 % de notre chiffre d’affaires. Néanmoins, ce sont en effet de très bons résultats au regard de la conjoncture. Il y a peut-être une dizaine de voyagistes rentables aujourd’hui en France, les autres sont renfloués par leurs actionnaires. Le contexte est plutôt catastrophique, plus personne ne veut aller dans les pays musulmans.

(L’entretien a été réalisé avant l’attentat tragique du 26 juin dernier qui a coûté la vie à 38 touristes en Tunisie, ndlr).

365 data : journée mondiale pour un tourisme respectueux

Charte éthique du voyageur

Voyageurs Du Monde

Dominique Pialot et Pascal de Rauglaudre



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