Le monde, les médias et moi

Les Français n’ont plus confiance dans leurs médias. Dans un nouveau documentaire, la journaliste Anne-Sophie Novel mène l’enquête et part à la rencontre de ceux qui inventent de nouvelles façons de raconter le monde. Au programme : inventivité et enthousiasme.

 

Les journalistes n’ont plus la cote. Année après année, les Français se défient de leurs médias. Le dernier baromètre réalisé par Kantar pour La Croix, paru en janvier, vient encore le confirmer : 60 % des Français interrogés estiment que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique.

Les journalistes ont beau réfuter ce soupçon, cette défiance est aggravée par la détention des grands médias nationaux par de puissants groupes financiers. Pourquoi tant de haine ?

Préoccupée par la colère contre ce métier qui la passionne et la fait vivre, la journaliste Anne-Sophie Novel a cherché à comprendre ce désamour. Après cinq années de travail, dont deux de tournage, elle livre les résultats de ses recherches dans un nouveau documentaire, Le monde, les médias et moi.

Réinventer le récit journalistique

Son objet n’est pas la critique des médias, d’autres l’ont déjà fait. Sa démarche se veut plus constructive, elle relève de l’introspection et de l’analyse : comment la fabrique de l’information affecte notre conception du monde, quel rapport chacun d’entre nous entretient avec les médias, comment réinventer le « récit journalistique » face aux défis du monde qui vient.

L’enquête commence sur un marché du Sud-Ouest. Derrière un étal sur lequel sont disposés des magazines et des journaux, Anne-Sophie Novel interpelle les passants sur leurs rapports aux médias. Les réponses virulentes fusent : les journalistes vendent des salades et manipulent les Français.

Mondialisation, effacement des frontières, course à la rapidité expliquent en partie cette décrédibilisation de la parole médiatique, explique Elise Lucet, dans un dîner réunissant quelques autres grandes figures de la profession, Laure Noualhat, Eric Fottorino, Fabrice Arfi et Ziad Maalouf.

Mais l’aspect le plus intéressant du documentaire, ce sont les solutions pour inventer de nouvelles pratiques du journalisme, un métier qui reste plus que jamais nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie. Anne-Sophie Novel est partie à leur rencontre, au Royaume-Uni, au Danemark, aux Etats-Unis, et même en France.

Une information qui a du sens

À Nice, par exemple, les journalistes de Nice Matin, confrontés à la désaffection et au vieillissement de leur lectorat, associent plus étroitement leurs lecteurs au choix des sujets et à la construction des enquêtes. À Londres, l’équipe de Positive News redonne de la valeur et du sens à l’information.

L’un des moments forts de l’enquête se déroule à Philadelphie. Dans cette ville, l’une des plus pauvres des Etats-Unis, la jeune journaliste Jean Friedman-Rudovsky participe au projet Broke in Philly. Son intention : donner la parole à la population exclue de la ville, pour mieux faire entendre sa voix auprès des responsables politiques.

Les blogueurs sont-ils l’avenir du journalisme ? Ils inventent en tout cas d’autres manières d’atteindre un public peu habitué aux usages médiatiques traditionnels. Leur succès ne se dément pas et avec lui, leur pouvoir d’influence. Au point que France Télévision les a invités à participer à un programme pédagogique de lutte contre les « fake news ».

C’est le point fort du documentaire : il montre que face à cette crise existentielle, les journalistes ne baissent pas les bras. Ils font preuve d’enthousiasme et d’inventivité pour continuer à faire vivre le débat démocratique.

Le documentaire se termine d’ailleurs sur une parole d’espérance. Comme un passage de relais entre l’ancien monde médiatique et le nouveau, Stéphane Paoli, ancien pilier de France Inter, aujourd’hui à la retraite, déclare son « immense confiance » dans la capacité des nouvelles générations à réinventer le métier de la transmission de l’information.

 

Pascal de Rauglaudre

 

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