Nightline : prendre soin de la santé mentale étudiante

Créée en 2016 par Patrick Skehan, Nightline offre une ligne d’écoute nocturne et anonyme pour tous les jeunes qui ressentent le besoin de se confier. Constituée de jeunes bénévoles et d’une équipe professionnelle, c’est un service de soutien pour les jeunes, par les jeunes. Erkan Narmanli, Président de l’association, nous en dit plus sur leur mission.

 

Entrepreneurs d’avenir : Pouvez-vous nous raconter l’histoire derrière la création de Nightline ? Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre en place cette ligne d’écoute d’urgence pour les jeunes en détresse psychique, gérée par des jeunes ?

Erkan Narmanli : Nightline France est née en 2016 sous l’impulsion de Patrick Skehan, un étudiant Irlandais alors en échange, et d’autres étudiant·e·s, convaincu·e·s de l’importance de la prise en compte de la santé mentale des étudiant·e·s et des jeunes. Lorsqu’il est arrivé en France, Patrick, le fondateur de l’association, a constaté l’absence de dispositifs de soutien entre pairs étudiants, pourtant bien développés dans les pays anglo-saxons. L’engagement de Nightline vise depuis à renforcer notre capacité à vivre ensemble, au sein d’une société dans laquelle l’écoute de soi et de l’autre, l’entraide et le bien-être sont des valeurs fortes et partagées.

La santé mentale étudiante est une préoccupation croissante. Comment expliquez vous cette situation ? Comment Nightline contribue-t-elle à sensibiliser et à militer sur cette question ? Quels sont vos principaux objectifs en matière de santé mentale étudiante ?

Selon l’INSERM (2021) un tiers des étudiant·e·s présente des symptômes dépressifs, contre environ 20% chez les non-étudiant·e·s. Avec le covid, la question de la santé mentale a été poussée sur le devant de la scène, mais la santé mentale étudiante a toujours été préoccupante : la problématique n’est pas nouvelle, on en parle simplement plus.

À Nightline, on la santé mentale comme un continuum : il faut pouvoir répondre à la diversité des circonstances, des besoins et des symptômes des étudiant·e·s. Cela nous amène à développer un éventail de ressources, d’interventions et d’outils pour améliorer la santé mentale des jeunes et des étudiant·e·s de façon globale. Pour permettre à chaque étudiant·e de prendre soin de sa santé mentale, nous portons une double mission : ouvrir la parole, en proposant notamment un service d’écoute nocturne tenu par des bénévoles étudiant·e·s, et informer, que ce soit via nos réseaux sociaux ou avec notre annuaire nightline.fr/soutien-etudiant. Nous travaillons également à faire reconnaître davantage l’importance du soutien entre étudiant·e·s, que nous mettons en œuvre via notre service d’écoute et dans nos autres projets. Enfin, dans une visée systémique, nous développons et diffusons également de la connaissance, formulons des recommandations en matière de politiques publiques ; destigmatisons et démocratisons la santé mentale à travers notamment nos campagnes de communication et nos réseaux sociaux.

Le fait que Nightline soit gérée par des jeunes pour des jeunes est une approche unique. Comment les bénévoles de votre association sont-ils recrutés et formés pour assurer une écoute attentive et efficace ?

La dimension innovante de l’ensemble des actions développées par l’association réside dans la mise en place de deux principes peu communs en France : le soutien par les pairs et la santé communautaire. L’association n’agit pas « pour » les jeunes, elle fait « avec » les jeunes, soutenu·e·s par une équipe de professionnel·le·s.

Si on imagine une pyramide du parcours de soin, Nightline a pour rôle d’agir à la première étape – au fondement – , en matière de prévention et d’orientation. Ce n’est pas une structure de soin, nous ne réalisons pas d’accompagnement sur la durée. Les bénévoles offrent une épaule, une oreille pour vider son sac quand on en ressent le besoin une main tendue pour accompagner vers le soin si c’est ce qu’on cherche. Il est important de souligner que Nightline intègre les professionnels de santé dans sa démarche communautaire, notamment à travers la présence de psychologues dans l’équipe salariée, qui soutiennent les bénévoles et contribuent aux projets de l’association.

Concernant le recrutement, les étudiant·e·s peuvent candidater via le site internet de l’association en expliquant leur motivation. Pour assurer au mieux leur mission, les bénévoles sont formé·e·s à leur arrivée dans l’association (formation initiale de 32 heures) et durant tout le temps de leur bénévolat avec un programme de formation continue. Ils·elles bénéficient d’un cadre sécurisant en ce qu’ils·elles sont accompagné·e·s par des psychologues tout au long de l’année et sont conseillé·e·s par des professionnel·le·s dans le cadre de missions liées à l’organisation et à la gestion de la vie associative.

Votre site internet mentionne des services d’informations et de ressources sur la santé mentale avec votre « Kit de vie ». Pourriez-vous nous en dire plus sur ces ressources et comment elles aident les étudiants en difficulté ? Avez-vous des histoires ou des témoignages qui illustrent l’importance de ce soutien aux jeunes ?

Le kit de vie que nous avons conçu est inspiré de ce qui est utilisé par les professionnel·le·s de la santé mentale dans les champs de la thérapie comportementale et cognitive (TCC) et de la psychologie positive. Les objectifs sont de permettre aux étudiant·e·s de mieux explorer et appréhender leur santé mentale et la santé mentale de leurs pairs ; de sensibiliser aux questions de santé mentale, d’améliorer leur bien-être et d’être en lien avec les besoins des professionnel·le·s du terrain.

Au début de son parcours, l’utilisateur·trice se voit poser une question toute simple et pourtant essentielle : « comment ça va vraiment ? »; Il·elle est ensuite orienté·e en fonction de sa réponse et se voit proposer un parcours personnalisé avec les activités, mini-jeux et ressources qui correspondent le mieux à sa situation. Un volet « j’ai un·e ami·e qui va mal » a également été développé, pour donner des clés pour soutenir un·e proche en souffrance.

Nous avons reçu de nombreux retours positifs suite à la sortie du kit de vie, tant de la part de jeunes qui ont pu s’en emparer que de professionnel·le·s de santé qui l’ont conseillé à certain·e·s de leurs patient·e·s.

En 2022, une nouvelle direction a pris place au sein de Nightline. Quelles sont vos perspectives de développement ?

Tout d’abord, un déploiement sur le territoire est prévu. L’association va développer la ligne d’écoute et les actions de proximité au sein de nouvelles régions et de nouvelles villes afin de toucher encore davantage d’étudiant·e·s sur l’ensemble du territoire. Les projets de prévention, comme les interventions en classe préparatoires aux grandes écoles (CPGE), expérimentés puis déployés en Île-de-France, seront également étendus sur les territoires d’implantation de l’association. En ce sens, nous allons développer un dispositif similaire spécifique à destination des étudiant∙e∙s en BTS, qui sont fortement exposé∙e∙s et manquent de prise en charge spécifique.

Globalement, dans les prochaines années, Nightline France ambitionne d’atteindre l’ensemble des étudiants de France à travers un maillage territorial – des implantations en région, et des actions nationales. Elle entend également favoriser une meilleure prise en compte de la santé mentale des jeunes en général et être une ressource utile, connue et reconnue, tout en optimisant et consolidant ses pratiques.

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