Quand la Loi Pacte devient jeu de rôles

Comment préparer les négociateurs de demain, dans un monde de plus en plus incertain : une vingtaine d’étudiants ont rejoué les négociations sur la loi Pacte, au cours d’un exercice du programme Forccast sur l’apprentissage de la controverse.

 

Samedi 25 avril, une commission d’audition ministérielle est organisée sur la loi Pacte. Sont présents Bruno Le Maire, ministre de l’économie, le ministre de la santé, le président du Medef, et le pdg de Veolia. Ils doivent discuter des dernières étapes de la loi sur la transformation des entreprises.

Le ministre des finances commence par défendre les objectifs du projet de loi : récompenser le travail des salariés, renforcer la transparence, promouvoir l’égalité hommes femmes…

Puis il donne la parole au pdg de Veolia. Celui-ci souligne l’importance de l’entrepreneuriat salarié, « une solution gagnant gagnant pour les salariés et les entreprises » qu’il faut encourager.

Le président du Medef, lui, se plaint que certaines mesures risquent d’entamer la compétitivité française. Il pointe l’insécurité juridique dans laquelle la loi va plonger les entreprises. Et d’invoquer le Général de Gaulle qui avait pris la défense des associations d’actionnaires.

Sur ce, il quitte la salle… et se retrouve dans les couloirs de Sciences Po.

En effet ces négociations n’étaient qu’une simulation ! Ministres, grands patrons et représentants du patronat et des syndicats étaient interprétés par des étudiants du cours « Refonder le mythe de l’entreprise au 21e siècle », à l’école du management et de l’innovation de Sciences Po.

Ce cours a pour ambition de préparer les négociateurs de demain, en les formant à l’exploration des controverses contemporaines, générées par la prolifération massive des innovations scientifiques et techniques.

Il appliquait la méthodologie du programme Forccast, une initiative d’excellence inspirée des travaux du sociologue Bruno Latour. Celle-di consiste à rendre les étudiants acteurs de leurs apprentissages, grâce à deux expériences complémentaires : la cartographie des controverses et les simulations de négociations et de débats.

Dans ce cas précis, il s’agissait de mieux comprendre la fabrique de la loi, l’audition par un ministre, les débats à la Commission européenne, etc.

Face à un public, les étudiants défendent donc leurs positions et vont dans les détails du projet, mais pas seulement. « Ils doivent se mettre à la place de l’autre, montrer de l’empathie envers leurs interlocuteurs, comprendre leur cohérence, le savoir qu’ils mobilisent et leurs lignes rouges, décrypte Isabelle Huck, chargée de mission à Forccast et enseignante à Sciences Po. C’est un exercice de mise en pratique de la controverse : les étudiants peuvent parvenir à un accord, ou à défaut, trouver des chemins communs. »

Cette simulation apprend aussi aux étudiants à décider en situation d’incertitude. « Elle est une réponse à un monde incertain. Parce qu’il y a incertitude, il faut appliquer le principe de précaution, et ça passe par l’écoute de l’autre, explique Xavier Leflaize, administrateur principal à l’OCDE maître de conférence à Sciences Po. En l’occurrence, l’exercice devait sensibiliser les étudiants aux performances sociales et environnementales des entreprises : la RSE et ses limites, l’entreprise à mission, la loi Pacte, les modes de gouvernance ».

Les étudiants, notés sur la rédaction d’un position paper et sur leur participation à la simulation, ont ensuite simulé une audition publique à la Direction générale Justice de la Commission européenne. Un autre type d’exercice, dans un environnement international, avec d’autres façons de conduire les débats, plus onctueuses et moins gauloises.

 

En savoir plus sur les initiatives du programme Forccast

 

Pascal de Rauglaudre

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