Scénarios 2050 : Pernod Ricard décrypte l’avenir de la convivialité sous l’influence climatique
Dans un contexte de crise environnementale, Pernod Ricard présente ses "Scénarios futurs 2050" pour analyser l'impact du changement climatique sur nos modes de vie et de consommation. L’étude explore comment ces transformations pourraient redéfinir notre manière de vivre ensemble, de nous divertir et de consommer, tout en mettant en lumière l'importance de la préparation et de la résilience face à un futur incertain.
Entrepreneurs d’avenir : Pernod Ricard a présenté ses Scénarios futurs 2050 et décode la façon dont le changement climatique impactera nos modes de vie, de consommation et nos interactions en 2050. Quels sont les raisons et objectifs de cette étude ?
Daphnée Hor : Dans un contexte de crise environnementale croissante, l’avenir de nos sociétés soulève des questions de plus en plus pressantes. Pour Pernod Ricard, dont la valeur centrale est la convivialité, il est critique de comprendre comment le changement climatique pourrait influencer notre manière de vivre ensemble, de nous retrouver, de nous divertir et de consommer.
Pour mieux répondre aux attentes de nos consommateurs, nos équipes de Cultural Foresight réalisent régulièrement des études prospectives. Ces analyses sont ensuite intégrées dans nos stratégies court, moyen et long terme. Les incertitudes et la multiplication des crises ont accentué l’importance de ces démarches prospectives, qui sont largement adoptées par nos différents départements internes. Nous sommes convaincus que notre résilience ne peut se faire qu’en se préparant à plusieurs futurs possibles.
Notre Groupe sensibilise actuellement l’ensemble de ses collaborateurs afin d’explorer l’incidence que chacun de ces scénarios pourraient avoir sur la vie quotidienne de nos consommateurs. Des ateliers de travail collectifs sont ainsi menés pour que chaque département tienne compte de ces futurs possibles dans ses actions au quotidien.
Aussi, nous croyons au partage et à la force du collectif, c’est pourquoi nous avons choisi de présenter publiquement cette étude. Ce partage vise à initier une conversation avec les acteurs de notre écosystème et à ouvrir la voie à une réflexion collective, porteuse de sens et impactante. En partageant cette étude publiquement en interne et en externe, notre ambition ultime est que le seul futur scénario souhaitable, éco-harmonie, devienne réalité.
En tant que “créateur de convivialité”, Pernod Ricard accorde une importance particulière aux interactions humaines. Comment, selon vos analyses, le dérèglement climatique pourrait-il influencer nos façons de nous réunir et de partager des moments de convivialité dans un avenir proche ?
Dans notre scénario le plus pessimiste, le fatalisme prend le dessus. A cause d’un nihilisme omniprésent, les individus vivent dans l’excès comme si chaque jour était le dernier. Le court terme est systématiquement privilégié par rapport au long terme. C’est la fin de l’abondance. Face à l’insécurité, chacun se protège, s’enferme. La solidarité décline.
L’anxiété latente et les barrières aux échanges commerciaux internationaux poussent à privilégier l’achat et la consommation de produits et marques locaux. Les ressources naturelles et les produits se raréfient. Seuls les plus aisés peuvent encore s’accorder quelques petits plaisirs et s’offrir des produits véritablement issus de la terre. Les autres doivent en priorité assurer leurs besoins les plus basiques et se contenter d’alternatives synthétiques.
L’insécurité dominante et les conditions climatiques extrêmes poussent nombre d’individus à restreindre leurs sorties. La maison devient alors le centre névralgique d’une convivialité de plus en plus contrainte, plus privée et plus sûre où seuls les plus proches sont invités.
Les plus riches se retrouvent dans des clubs de membres de plus en plus exclusifs et chers.
Au contraire, dans notre scénario le plus optimiste, l’espoir domine. Le bien-être individuel et le bien-être collectif deviennent une priorité. Les principes de diversité et d’inclusion s’appliquent désormais à tout type de vivants. Les écosystèmes, les plantes et les animaux obtiennent les mêmes droits que les êtres humains.
Les principes de circularité sont adoptés par tous. L’obsolescence programmée n’existe plus. La valeur d’un produit est définie par sa durabilité. Rien ne se perd et tout objet, ingrédient, déchet, rebus est considéré comme un trésor ou une ressource. Les marques les plus populaires deviennent celles respectant le mieux l’environnement.
Quelle méthodologie avez-vous utilisée pour élaborer ces scénarios futurs ? Pouvez-vous nous décrire les différentes variables prises en compte, les données utilisées, les modèles de simulation, ainsi que les principales incertitudes auxquelles vous avez été confrontés lors de cette démarche ?
Dans un contexte de permacrise où les incertitudes sont nombreuses, les techniques traditionnelles de projection de tendances sont devenues caduques. Au lieu d’imaginer un seul et unique futur, construire plusieurs scénarios possibles afin de mieux adapter sa stratégie est devenu vital.
Cette étude s’appuie sur les dernières projections du GIEC et sur une détection pointue des tendances culturelles émergentes via un écosystème de veille unique développé en interne par les équipes Pernod Ricard. L’analyse des tendances liées à la convivialité repose sur le mariage d’outils quantitatifs et prédictifs (social intelligence, cartographie de tendances mondiales, analyse de leur évolution actuelle et future) croisés avec une approche sociologique et qualitative (recherches ethnographiques, observations terrain, interviews d’experts). Nous plaçons à la fois les sciences sociales et les data sciences au cœur de nos activités. Cela nous permet de mieux comprendre et anticiper les tendances futures, éléments essentiels à la pertinence de notre stratégie.
Après une analyse fine de ces signaux faibles et de l’identification des incertitudes liées, nos équipes ont développé 4 grands scénarios couvrant les grandes évolutions démographiques, économiques et sociétales envisa¬geables pour 2050.
Pourriez-vous nous donner un aperçu succinct des quatre scénarios développés dans cette étude ? En quoi se distinguent-ils des scénarios élaborés par d’autres organisations telles que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ?
Le scénario le plus pessimiste se nomme Apocalypse Express. En 2050, notre monde se fragmente à grande vitesse et les rivalités s’exacerbent, conduisant à la montée en puissance des nationalismes et à un net repli sur soi.
Le résultat ? De plus en plus de citoyens doivent apprendre à survivre dans des conditions climatiques extrêmes. Les émissions continuent de croître rendant le réchauffement climatique incontrôlable. Le monde est fragmenté et les inégalités sociales augmentent. La société décline dangereusement et il y a peu d’investissements en faveur de l’éducation et du développement humain. La natalité des pays émergents explose alors que les rendements agricoles stagnent en raison du manque d’innovations, provoquant des crises alimentaires multiples. La planète compte quasiment 10 milliards d’habitants en 2050 et le PIB par habitant n’a jamais été aussi bas.
Au contraire, dans notre scénario le plus optimiste Eco-harmonie, chacun a accepté de changer profondément. Ces efforts individuels sont soutenus par un mouvement collectif porté par les entreprises, les institutions et les gouvernements. Grâce à une mobilisation internationale en faveur de l’environnement inédite, la tendance a été inversée.
La neutralité carbone devient alors de nouveau envisageable. Grâce à une production agricole mieux gérée, les cultures sont diversifiées, les déchets sont réemployés, de nouveaux ingrédients à plus faible impact font leur apparition.
Le progrès est éco-responsable, les technologies au service de la nature, les villes en symbiose avec l’environnement, les transports propres.
La société prospère via un modèle de globalisation durable, avec des buts environnementaux communs, réduisant d’autant les inégalités.
Les deux scénarios suivants sont plus nuancés, voire plus ambigus.
Dans « Plaisir d’abord, Planète ensuite », en 2050, la prise de conscience des enjeux et de l’urgence climatique est généralisée, cependant personne ne souhaite faire d’efforts au détriment de son propre confort. Cette dissonance cognitive rend les progrès difficiles et lents. La crise climatique n’est pas une priorité mais juste un problème parmi tant d’autres. Si la coopération internationale existe, elle n’est pas efficace et les délais d’action sont trop longs. Ce scénario suit les trajectoires historiques déjà observées. Les progrès et les innovations sont là, certes, mais arrivent trop tardivement. L’anxiété, le sentiment de ne pas parvenir à inverser la tendance, figent la population dans une forme de paralysie. L’ampleur du challenge est telle que tout effort parait dérisoire.
Enfin, dans « Totalitarisme Vert », la transition prend trop de temps. Les volontés conjuguées des populations, des acteurs économiques et des institutions ne portent pas les résultats escomptés car les efforts concédés sont trop faibles. Les gouvernements considèrent que la quête de consensus ralentit dangereusement la transition écologique. Ils imposent donc des politiques drastiques et rigoristes de manière unilatérale.
Grâce aux nouvelles règlementations mises en place la planète se porte mieux. Les émissions carbones sont réduites et l’augmentation des températures est sous contrôle. Mais ces progrès ont un coût, celui des libertés individuelles. Un système d’éco-crédit généralisé est déployé impliquant de tracer tout achat, toute production et tout déplacement.