Steak barbare : vers l’agriculture « post-animale »

Une véritable rupture de civilisation se prépare actuellement aux Etats-Unis. Une puissante galaxie techno-végane veut éradiquer l’élevage et l’agriculture. Enquête sur la dystopie alimentaire qui s’annonce, par le journaliste Gilles Luneau. Nous sommes prévenus !

 

Une révolution en profondeur de l’économie alimentaire est à l’œuvre aux Etats-Unis. Cette agriculture « post-animale », comme il l’appelle, Gilles Luneau est allé l’observer sur le terrain, et il publie le résultat de son enquête édifiante dans un nouveau livre, Steak barbare.

Avec ce livre, il veut nous alerter sur la rupture civilisationnelle provoquée par l’agriculture cellulaire. L’agriculture cellulaire ? Quesaco ? C’est un « projet alimentaire » qui n’a d’agriculture que le nom puisqu’il se base sur la production de cellules souches cultivées en laboratoire et de substituts végétaux assemblés avec des protéines de synthèse. Son objectif : rien de moins qu’éradiquer l’élevage.

Gilles Luneau raconte ainsi ces alliances singulières entre les apôtres du véganisme et les fonds qui financent cette viande sans viande, créée en laboratoire, les uns comme les autres voulant transformer le monde à la mode végane.

Force de frappe végane

Une offensive économique et idéologique est en cours, avertit l’auteur, en décortiquant la force de frappe végane qui se développe à la vitesse de cellules de culture, immense réseau où se côtoient industriels de la bidoche et milliardaires de la tech, fondations et think tanks, ONG et fonds d’investissement, universitaires et transhumanistes, labo, incubateurs et militants végans.

Dans cette galaxie, chacun joue un rôle, et celui des militants végans n’est pas le moindre : leur mission consiste à dégoûter les consommateurs de manger de la viande et les autres produits d’origine animale. Le but n’est pas de sauver la planète, mais de générer un nouveau marché très lucratif : « En éliminant les animaux, on fait un bond énorme de productivité », reconnaît ainsi David Lipman, biologiste américain responsable scientifique de la startup Impossible Food.

Et c’est bien ce qui intéresse les multinationales de la viande, comme Cargill et Tyson. Pas question pour elles de passer à côté d’un marché prometteur qui pourrait atteindre 6 milliards de dollars d’ici 2022, d’après Bruce Friedrich, directeur du Good Food Institute et patron de New Crop Capital, un fonds de capital-risque végan.

Longueur d’avance

Mais aussi puissants soient-ils, les géants de l’agro-alimentaire ne rattraperont pas la myriade de startups californiennes qui ont une nette longueur d’avance dans le domaine de l’alimentation post-animale. Dans la Silicon Valley, foin de l’élevage extensif comme de l’agriculture raisonnée ou biologique ! Ce qui prime, c’est la technologie et les fortunes qui en découlent.

Gilles Luneau a interviewé plusieurs startupeurs qui n’ont qu’une croyance : seule la technique pourra corriger les colossales erreurs commises par les générations précédentes. Ils veulent donc soumettre les multitudes de cultures alimentaires du monde au tout industriel post-élevage uniformisé, au risque d’altérer définitivement la biodiversité terrestre, comme le souligne l’auteur.

L’enquête salutaire de Gilles Luneau arrive à point nommé, alors que déjà les produits ultra-transformés de certaines marques californiennes s’apprêtent à débarquer dans les rayons viande de nos supermarchés. Nous voilà prévenus !

Steak barbare, Gilles Luneau, Editions de l’aube, 2020, 368 p., 23 €.

 

Pascal de Rauglaudre

 

2 réponses sur “Steak barbare : vers l’agriculture « post-animale »”

  1. Plutôt que de faire un article à charge et donc avec un intérêt limité, si ce n’est de jouer les cartes de l’autre lobby, (vous savez, celui qui nous dit qu’il est indispensable de consommer des protéines animales plusieurs fois par semaine et nous parle de “bien être animal” tout en tuant 2000 animaux par seconde (oui, par seconde)), il aurait été intéressant de dresser un panorama complet de la situation et comment cette “viande” s’intègre ou non dans les solutions à la catastrophe de l’élevage actuel.

    Cette nouvelle proposition a le mérite de proposer une alternative, certes probablement imparfaite, à un modèle actuel qui est tout aussi mercantile en plus d’être infiniment plus meurtrier et catastrophique pour l’environnement et la santé.

    Si les seules critiques formulées à l’égard de cette nouvelle industrie sont qu’elles sont l’oeuvre de startups soutenues par des fonds d’investissements et des défenseurs de la cause animale, mais pas d’ordre environnementale, de santé… il me faudra alors m’expliquer quel est véritablement le problème.

    Ceux qui veulent manger des animaux morts pourront continuer à le faire, ceux qui préfèrent des similis de viande élaborés en labo pourront eux commencer à le faire et ceux qui veulent ni l’un ni l’autre s’en passeront et n’enrichiront ni les premiers, ni les seconds.

    Ce sujet aurait mérité un autre traitement. Dommage.

  2. > altérer définitivement la biodiversité terrestre
    Aucun des animaux qu’on ne consomme n’appartiennent à la biodiversité terrestre naturelle. Vous avez déjà vu une vache sauvage vous ? Vous croyez qu’il arriverait quoi à un mouton qu’on lâcherait en liberté ? Croyons-nous que les bananes sans pépins existent par magie ? Nous manipulons notre écosystème depuis que nous existons, et la biodiversité terrestre est déjà altérée.

    La consommation de viande de bœuf est un des principaux moteur du réchauffement climatique, sans même prendre en compte les questions morales liées au massacre organisé à échelle ultra-industrielle (65 milliards de poulets par an).

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