The SeaCleaners : naviguer pour un océan sans plastique

Yvan Bourgnon, fondateur de The SeaCleaners, partage la mission de son organisation pour lutter contre la pollution plastique des océans : les actions sur le terrain, le financement des projets, l’engagement des partenaires dans la transition vers une économie circulaire. A terme, Yvan espère avoir créé un réseau mondial pour protéger nos océans.

 

Entrepreneurs d’avenir : Yvan Bourgnon vous avez créé The SeaCleaners en 2016 pour protéger les milieux marins et dépolluer les océans. Quelle est la genèse du projet, la mission que vous vous êtes donnée et quelles sont vos actions au quotidien ?

Yvan Bourgnon : The SeaCleaners est né du choc que j’ai ressenti devant l’ampleur de la pollution plastique dans certaines zones du monde où j’ai navigué, notamment en Asie du Sud-Est. J’avais 8 ans lors de mon premier tout du monde en voilier, en famille. Trente-cinq ans plus tard, en accomplissant un tour du monde en catamaran de sport en solitaire entre 2013 et 2015, j’ai été sidéré de découvrir que des lieux qui, dans mon souvenir, étaient sauvages, paradisiaques, étaient devenus de véritables décharges à ciel ouvert. Et que la matière plastique, cette invention de l’homme qui remonte seulement aux années 50, était responsable de cette situation. De retour en France, j’ai décidé de créer une association qui allait lutter concrètement contre ce fléau. Et le mot « concrètement » est très important pour moi ; je voulais vraiment qu’on se relève les manches !
Aujourd’hui, The SeaCleaners développe des solutions pour dépolluer les milieux aquatiques et valoriser les déchets. Mais nous faisons aussi beaucoup de sensibilisation pour expliquer au plus grand nombre pourquoi il faut protéger l’océan, pourquoi cette pollution plastique est une urgence écologique, sociale, économique et sanitaire majeure, et comment mieux produire, mieux consommer, mieux et moins jeter. Le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas ! Nous avons aussi un département dédié à la recherche scientifique et nous sommes actifs pour accélérer la transition vers une économie circulaire dans les pays les plus touchés par la pollution plastique.
A partir de mon idée de départ, qui était de ramasser les déchets en mer avec un bateau, l’association a bien grandi et s’est diversifiée pour devenir un acteur complet de la lutte contre la pollution plastique océanique.

 

Aujourd’hui la phase de démarrage est derrière vous, votre association compte 35 salariés. Quels sont vos objectifs et comment allez-vous consolider tout cela ?

Notre premier objectif est de développer nos opérations sur le terrain, pour avoir le plus fort impact possible en termes de prévention de la pollution plastique, mais aussi sur le plan de la restauration de certaines zones particulièrement touchées. L’Asie du Sud-Est est la première concernée par ce fléau : on estime que 81% de la pollution plastique océanique d’origine terrestre provient de cette zone, principalement en raison d’un manque criant d’infrastructures de gestion des déchets. Aujourd’hui, nous mettons en œuvre des projets en mer mais aussi à terre pour accompagner les acteurs locaux qui luttent pour préserver leur environnement. Actuellement, nous avons un bateau collecteur de déchets en rivières déployé en Indonésie, baptisé MOBULA 8. Dès 2024, nous en aurons trois de plus et nous prévoyons d’en ajouter plusieurs chaque année pour aboutir à une véritable flotte.

 

Construire votre bateau nettoyeur des océans coûte une fortune, comment financez-vous ce projet et tous les autres, vos actions scientifiques, de sensibilisation et d’éducation ? Où en êtes-vous de la construction du bateau ?

Je ne suis pas d’accord. Le MANTA coûte effectivement quelques millions mais c’est finalement peu rapporté à ce que coûte la pollution plastique chaque année à l’économie mondiale !
Ce coût pour les industries du tourisme et de la pêche est estimé à 13 milliards d’euros chaque année. Une baisse de 1% à 5% de la fourniture de services écosystémiques marins (toute la valeur économique des services rendus par la mer) en raison de la pollution par le plastique équivaut à une perte annuelle de 500 milliards à 2 500 trilliards de dollars !
Et puis le MANTA ne sera pas qu’un bateau collecteur de déchets. Il sera aussi un centre de recherche mondial sur la pollution plastique, un porte-voix particulièrement visible pour porter la cause de la protection des océans, un ambassadeur des technologies de navigation propres. Ce sont des missions essentielles si l’on veut protéger ce patrimoine essentiel que sont nos océans, et qu’on peut difficilement ramener aux seules considérations financières.
Le MANTA est apte à être construit. Les plans ont été certifiés par le Bureau Veritas en 2022. Nous sommes actuellement en appel d’offres avec plusieurs chantiers navals européens pour lancer la construction, et nous devons boucler notre plan de financement. C’est un processus itératif.

 

L’économie circulaire étant au centre du projet, qu’apportez-vous à vos partenaires et mécènes ? Quelle est la maïeutique mise en place avec eux (Pilot, IKKS, Interparfums, Groupe Barbier, MTB, etc…) ?

Soutenir The SeaCleaners s’intègre dans une approche globale de nos mécènes, qui s’engagent résolument dans des démarches de transition énergétique, de sobriété de leurs modes de production, d’exigence dans le choix des matières premières et des emballages, dans la gestion de la fin de vie de leurs produits, etc. Certains sont déjà très avancés dans le zéro plastique. Nous accompagnons ce mouvement. Le soutien à The SeaCleaners est aussi un formidable outil de mobilisation interne. Les collaborateurs sont fiers que leur entreprise s’engage dans une aventure écologique pionnière et participent activement à de nombreuses activités : cleanups, formations, opérations de sensibilisation, interventions en milieux scolaires… C’est aussi comme cela que le mouvement pour des océans propres grandit.

 

Et, comment voyez-vous The SeaCleaners dans 10 ans ?

Nous sommes dans une démarche de démontrer pour convaincre. Notre but c’est d’essaimer nos solutions de dépollution et de valorisation des déchets plastiques marins à grande échelle, mais aussi de développer et partager des connaissances scientifiques de pointe auprès des décideurs et du grand public pour faire bouger les lignes. Dans 10 ans, j’espère que nous aurons réussi à fédérer un réseau mondial d’acteurs publics, privés, issus de la société civile ou du monde des entreprises, des autorités et les communautés locales, qui seront engagés pour agir pour les océans. En 2025, le Traité international contre la pollution plastique de l’ONU devrait être adopté, le 1er instrument juridiquement contraignant pour réguler l’ensemble du cycle de vie du plastique, de l’extraction des matières premières à la fin de vie. La dynamique est enclenchée et ne va faire que grandir.

 

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