Victimes des pesticides : lancement d’une plateforme d’actions collectives

La justice environnementale, c'est maintenant ! Corinne Lepage, avocate de renom et ancienne ministre, annonce le lancement d'une plateforme d'actions collectives dédiée à la défense des victimes de pesticides et à la facilitation de l'accès à la justice environnementale.

 

Entrepreneurs d’avenir : Une action collective en justice a été lancée début mars pour réclamer des indemnisations pour les “riverains victimes des pesticides”. Cette action, lancée par votre cabinet, Huglo Lepage, a pour objectif de “demander réparation à l’État pour les victimes non-professionnelles des pesticides ». Comment cette action a-t-elle été lancée ?

Corinne Lepage : L’action que nous venons de lancer pour obtenir l’indemnisation des riverains victimes de pesticides est née de deux réflexions.
– La première tient à la situation des riverains de champs d’épandage qui n’ont quasiment aucun moyen de protection, si ce n’est une fine bande de 5 ou 10 mètres séparant la zone d’épandage de la limite de 400 propriétés. Il faudrait selon les études entre 500 et 1000 mètres. Aux côtés de l’Association des maires anti-pesticides, nous avons travaillé plusieurs années pour essayer de défendre des maires courageux et soucieux de la santé de leurs habitants qui avaient pris des arrêtés pour essayer de les protéger. En vain.
– La seconde réflexion est née de la mise en place parfaitement justifiée par ailleurs, d’un fonds d’indemnisation des victimes agricoles des pesticides, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour permettre aux agriculteurs victimes de certaines pathologies (lymphome non hodgkinien, cancer de la prostate et maladie de Parkinson sans oublier leurs enfants atteints de certaines maladies congénitales) de pouvoir obtenir réparation.

Il nous a semblé particulièrement unique que cette réparation ne puisse être offerte aux riverains qui souffraient des mêmes pathologies.
En effet, et de manière peut-être contre-intuitive, il faut bien souligner que si les agriculteurs sont particulièrement protégés lorsqu’ils préparent et épandent les pesticides (vêtements de protection, scaphandres et gants sans oublier l’interdiction de revenir dans un champ qui vient d’être épandu durant 48 heures), les riverains ne bénéficient d’aucune protection spécifique et dans certains cas ne sont même pas prévenus à l’avance qu’un épandage va se produire.
D’où cette action.

 

Qu’attendez-vous de cette action et comment mobiliser l’opinion publique autour de celle-ci ?

Nous attendons beaucoup de cette action.
Elle démarre lentement parce que d’une part, elle doit être connue et que d’autre part, il faut le temps de préparer les dossiers nécessaires à l’examen de la recevabilité de chaque requête. Les médias ont déjà bien commencé à nous aider avec France Info et France Inter, Mediapart, RSE data News, de nombreux journaux qui ont fait état de cette action.
Nous comptons également sur les associations qui nous encouragent et qui ont diffusé dans leur réseau cette initiative.
Enfin, les réseaux sociaux permettent également d’envisager une mobilisation.
Il nous paraît important que le nombre de demandeurs soit suffisant pour montrer aux pouvoirs publics 2000 qu’il y a un réel problème.
En effet, l’objectif est certes d’obtenir une indemnisation, mais surtout d’obtenir des mesures de protection plus importantes.

 

La mobilisation du monde agricole passé, comment analysez vous les reculs du gouvernement sur les enjeux écologiques (Plan Ecophyto mis à l’arrêt, les terres en jachères, la protection des zones humides…) ? Pourriez-vous revenir sur la nature et les conséquences de ces reculs ?

On ne peut qu’être extrêmement inquiets sur les reculs du gouvernement sur les enjeux écologiques qui continuent avec le projet de loi agricole.
Nous assistons en réalité depuis plusieurs mois à un véritable écolo bashing de la part du gouvernement, des mouvements de droite et d’extrême droite.
Et, malheureusement, ce mouvement n’est pas seulement français mais européen, et même bien au-delà.
En effet, la crise climatique et de biodiversité devenant de plus en plus violente, les mesures devenant de plus en plus nécessaires et contraignantes, l’opposition devient de plus en plus violente en commençant par les auteurs de mauvaises nouvelles dont il faut taire le discours, ce qui, bien entendu, permettrait de ne pas engager les mesures indispensables. L’intérêt général à commencer par celui des agriculteurs eux-mêmes (intérêt économique et intérêts de santé) imposerait au contraire de renforcer les normes environnementales. La pollution des milieux coûte une fortune au contribuable et rend malades les consommateurs.
S’attaquer aux normes environnementales permet d’éviter de traiter la vraie question qui est celle du partage de la valeur, question que les tenants de l’agriculture industrielle et l’agrochimie ne veulent absolument pas aborder.
Le mépris affiché au regard de questions qui ne sont pas seulement environnementales, mais qui sont très largement sanitaires par une partie du monde agricole et par le gouvernement est à cet égard particulièrement préoccupant et très lourd de conséquences à moyen et long terme.

 

Les élections européennes sont proches. Le camp Ecologiste ne semble pas décoller dans les sondages. Les grands enjeux écologiques vont-ils faire les frais d’une campagne qui risque de se focaliser sur la dualité RN et Renaissance ?

Les élections européennes se rapprochent et alors que le renforcement du Green New Deal devrait être le véritable débat, certains sont au contraire dans une approche de déconstruction de cette véritable œuvre qui a été accomplie par la présente mandature, même si l’on aurait pu espérer que certains textes aillent plus loin.
Le parcours du combattant que connaissent et qu’on connut certains textes comme celui sur le devoir de vigilance ou celui sur la restauration de la nature qui, pourtant votés en trilogue, ne sont pas publiés et doivent être rediscutés montre la puissance des lobbies opposés la transition et la faiblesse d’un certain nombre de députés et d’Etat à l’égard de ces lobbies.
Les écologistes sont à la peine, et même si la présence de plusieurs listes dont celles d’écologie positive et territoire à côté d’EELV devraient permettre de rassembler davantage d’électeurs situés différemment sur l’échiquier politique.
Mais, très clairement, le duel RN Renaissance s’installe dans le débat politique en France, et de manière plus généralement le développement du mouvement anti-écologiste est indéniable au niveau de l’Europe.
Le travail de sape effectué depuis des mois porte visiblement ses fruits.
D’une certaine manière, l’humanité est habituée à buter contre son camp.
Il faut espérer que la conscience de la gravité des enjeux puisse enfin l’emporter.

 

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