Les Collectifs : les salariés activistes

Quentin Bordet, acteur de la transition écologique en entreprise, révèle les coulisses de son engagement avec LES COLLECTIFS. Plongez dans une interview passionnante sur la création d'un mouvement qui redéfinit le monde du travail.

 

Entrepreneurs d’avenir : LES COLLECTIFS est un réseau de professionnel(le)s-citoyen(ne)s, créé pour transformer les entreprises de l’intérieur en les rendant écologiquement soutenables, notamment à travers des collectifs de salarié(e)s engagé(e)s. Pouvez-vous revenir sur le lancement de ce mouvement qui a pris beaucoup d’ampleur en France ?

Quentin Bordet : Le mouvement LES COLLECTIFS est né de la rencontre d’une vingtaine de collectifs pionniers qui agissaient déjà de l’intérieur de leurs entreprises sur les sujets écologiques et sociaux. J’ai par exemple créé le mien en 2017. Nous avons compris que nous expérimentions une nouvelle manière de s’engager. En voyant les similitudes tant sur les impacts observés que les défis de l’action de l’intérieur, nous avons décidé de créer un réseau inter-collectifs pour faire passer cette dynamique à une autre échelle. LES COLLECTIFS naissait ainsi en 2021, pour aider les salariés désireux d’agir à passer à l’action grâce à la communauté et des outils communs, faire entendre la voix des salariés sensibilisés à l’écologie, et permettre aux dirigeants d’appuyer ces dynamiques qui peuvent être très puissantes si elles sont bien accompagnées. Aujourd’hui, notre réseau rassemble des milliers de salariés de plus de 200 entreprises. Notre vision est que cela pourrait se passer dans toutes les entreprises, en France et dans d’autres pays où nous sommes en train d’essaimer.

Que vous soyez salarié, dirigeant, ou si vous souhaitez soutenir le projet, rendez-vous ICI.

 

A titre personnel, vous venez de prendre une décision. Celle de quitter votre entreprise le BCG. Aviez-vous une liberté d’agir et une influence sur l’orientation de l’entreprise sur les enjeux de transition écologique et climatique ? De manière plus générale, dans les grands groupes, quelle marge de manœuvre peuvent avoir les collaborateurs impliqués dans des collectifs engagés pour les transitions ?

Mes 8 premières années de vie professionnelle au BCG ont été immensément riches, entre un pan “stratégique” avec des dizaines de projets pour des dirigeants et des institutions, notamment sur les sujets de Responsabilité Sociale et Environnementale, et un pan d’engagement concret pour faire bouger les lignes à l’intérieur de mon entreprise tout en lançant le réseau LES COLLECTIFS.

J’avais créé mon collectif en réponse à une envie profonde de contribuer à la transformation de la société. Je n’imaginais pas que nous lancerions plus de 50 actions, avec des impacts visibles sur les milliers de salariés de mon entreprise, et une relation de franchise, de confiance et de co-construction avec la direction. Donc oui, on peut faire changer les choses, et notamment en entreprise. C’est parfois même plus simple que de faire changer sa famille ou ses amis.

Mais attention à ne pas mettre seulement la pression sur les individus. Salariés et dirigeants ne sont pas dans la même position. La place des dirigeants leur donne un « pouvoir » de décision… qu’ils doivent saisir. Nous voyons que les propositions des collectifs arrivent régulièrement avec 2 à 3 ans d’avance. C’est par exemple un collectif dans l’énergie qui avait interpellé sa direction sur le sujet de la sobriété dès 2019… quand cette notion est devenue le grand mot d’ordre en 2022. Ainsi, les démarches innovantes venant du terrain ont besoin qu’on leur « ouvre l’espace », c’est pourquoi avec LES COLLECTIFS nous aidons à la fois les salariés et les dirigeants.

Les prochaines décennies seront celles de grandes transformations. Le changement de paradigme ne viendra pas simplement d’en haut, il demandera à la fois que chacun contribue, et en même temps un mouvement large et inspirant.

 

Vous avez pris quelques mois en 2023 pour parcourir la France, à la rencontre d’acteurs de terrain et notamment des agriculteurs. Répondre à toutes les revendications de cette colère agricole actuelle, n’est ce pas revenir sur des engagements et des réglementations nécessaires aux transitions écologiques ? Peut on faire cause commune ?

J’ai en effet « ouvert » cette nouvelle phase de vie en réalisant un projet que j’avais en tête depuis longtemps : aller sur le terrain pour “prendre le pouls” de la transition écologique et sociale dans les territoires, interroger le rôle des entreprises et du travail, tout en menant une aventure bas-carbone exemplaire. Je suis ainsi parti 2 mois en vélo et en train et ai rencontré 200 personnes, dirigeants, salariés, paysans, chercheurs, se déclarant engagé(e)s… ou pas, de la Bretagne à la Savoie, de Paris à Marseille, de l’Occitanie à Hénin Beaumont.

Cette “exploration” a été très riche. Notamment, j’ai ressenti l’ambivalence que notre société a avec l’écologie. L’écologie est régulièrement qualifiée de hors-sol, néanmoins on observe déjà de profonds changements d’équilibres. J’ai eu par exemple de nombreux témoignages d’agriculteurs à propos du Mildiou qui menaçait leurs récoltes cette année, du fait des températures chaudes et humides, “presque tropicales” (sic). De nombreuses personnes s’adaptent déjà ou portent des projets exemplaires. Pourtant un des saisissements de ce voyage fut d’observer que régulièrement le concept d’écologie “braquait” des personnes qui pourtant étaient très conscients des changements. C’est par exemple ce paysan occitan qui travaille en agroécologie depuis des années mais me dira « détester les écolos”.

Cela interroge sur la capacité que nous avons à nous adapter en envisageant le court- et le long-terme tout en créant du commun. Sur l’agriculture, Edgard Pisani, inventeur de la PAC dans les années 60, le dit lui-même en 1993 : “Quand le monde change il faut changer de politique”. Je ne suis pas aux manettes politiques, mais pour réussir dans 10, 20, 30 ans, nous avons besoin d’une nouvelle vision et d’un nouveau pacte entre les agriculteurs et la société pour reconnaître leur métier, prendre en compte les bascules environnementales, et viser de bien manger !

 

Qu’allez vous faire et ou allez vous pouvoir exprimer et déployer cet engagement qui vous porte ?

Je suis profondément animé par l’envie d’appréhender les changements du monde dans leur complexité, et essayer d’y trouver une voie à la fois individuelle et collective. C’est ce qui m’a mis en mouvement depuis 8 ans dans le monde des entreprises, et que je souhaite “augmenter” aujourd’hui.

Je me concentre en ce moment sur trois projets. Tout d’abord le projet LES COLLECTIFS que je continue de développer, pour atteindre 1000 entreprises et que cela devienne une nouvelle “norme” d’engagement en entreprise. Ensuite, par des accompagnements ciblés de dirigeants pour leur donner des perspectives stratégiques et remonter des signaux faibles sur les sujets « Environnement Social Gouvernance ». Enfin, je mène des projets de “recherche-action” sur les transformations du monde et notre potentiel d’action individuel et collectif que je partage ensuite.

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