Avec CetteFamille, la vieillesse a de l’avenir

Après une histoire personnelle, Paul-Alexis Racine-Jourdren découvre l’hébergement et la prise en charge familiale des personnes âgées et dépendantes. Il décide de créer CetteFamille pour pouvoir répondre aux besoins des français seniors : vieillir chez eux, en évitant les dérives des résidences collectives.

Entrepreneur d’avenir : Paul-Alexis Racine-Jourdren, vous êtes président de CetteFamille. Pouvez-vous nous raconter comment cette idée d’hébergement adapté pour les seniors est née à Argentan, en Normandie, en 2016 ?

Paul-Alexis Racine-Jourdren : C’est à Argentan, la ville où je suis né et où j’ai grandi, qu’un ami voisin m’a demandé il y a quelques années de l’aider à trouver un hébergement pour son père âgé qui devenait dépendant et ne pouvait plus vivre seul chez lui. Nous avons visité des EHPAD mais très vite, nous nous sommes rendus compte que la maison de retraite médicalisée n’était pas une solution adaptée à son besoin. C’est en cherchant d’autres solutions que j’ai découvert l’accueil familial, un dispositif peu connu et pourtant une véritable alternative chaleureuse et humaine aux établissements en hébergement collectif. C’est à partir de cette histoire personnelle que j’ai décidé de créer CetteFamille pour, dans un premier temps développer et faciliter l’accès à l’accueil familial aux personnes âgées en France à travers une plateforme de mise en relation et de gestion administrative. Cette expérience nous a ensuite décidé dans un second temps de créer nos propres solutions d’habitat partagé : des colocations seniors, chaleureuses, sécurisantes et à taille humaine.

 

Selon l’INED (Institut Nationale d’Etudes Démographique), avec l’allongement de l’espérance de vie et l’arrivée aux âges avancés des générations du baby-boom, la France compte 3 aînés supplémentaires toutes les 5 minutes. En quoi CetteFamille, des hébergements à taille plus humaine, est la solution innovante et humaine à ces enjeux du vieillissement de la population ?

Les Français souhaitent pouvoir vieillir chez eux (85% d’après une étude de l’IFOP) mais que faire quand on sait que la France devrait compter 3 millions de seniors en perte d’autonomie d’ici 2030, avec des dispositifs existants déjà saturés ? On comprend vite l’impératif d’imaginer de nouvelles solutions d’habitat adaptées. Chez CetteFamille, nous savons qu’un trop grand nombre de personnes âgées souffrent d’isolement. Or elles veulent du lien social, rester proches de leur lieu de vie historique, être accompagnées de façon personnalisée et rester libres de leur vie « comme à la maison » le plus longtemps possible. C’est pourquoi les Maisons CetteFamille sont des structures à taille humaine avec 8 colocataires en moyenne et sont pensées pour répondre à ces besoins et offrir aux personnes âgées en perte d’autonomie un lieu de vie social, inclusif, confortable avec une présence rassurante continue.

Quel développement prévoyez-vous ?

Notre ambition de développement est forte. Actuellement engagés sur une cinquantaine de maisons, nous voulons en ouvrir cent de plus par an à partir de 2023, pour atteindre 400 maisons à l’échéance 2026, soit plus de 3.200 places sur l’ensemble du territoire, et avec la création de 3.000 emplois locaux ! Pour rappel, la France compte 13.600 communes entre 500 et 3.500 habitants. Le besoin est immense : nous sommes une goutte d’eau dans l’océan des besoins.

 

CetteFamille assure une certaine qualité de vie des personnes âgées prises en charge, tout en respectant des engagements RSE forts. Comment combiner ces deux missions essentielles ?

Ces 2 engagements sont inscrits dans notre ADN et l’un ne va pas sans l’autre. Je m’explique. Quand nous déclarons vouloir prendre soin de l’humain avec exigence et conviction, pour contribuer à une société plus inclusive, de qui parle-t-on ? De nos colocataires, bien sûr, mais pas seulement. Nous pensons également aux assistants de vie qui font vivre nos maisons, aux aidants familiaux que nous conseillons et accompagnons, aux associations locales qui interviennent dans les projets de vie partagé des maisons CetteFamille, à nos nombreux fournisseurs, à nos investisseurs, mais aussi bien sûr, à nos collaborateurs. C’est pourquoi nos engagements RSE sont déclinés sur 4 axes : Social, Sociétal, Environnemental et Ethique. Nous sommes en effet convaincus de la force du continuum qui lie la QVT des assistants de vie, nos actions continues de formation, la cuisine préparée à la maison avec des produits frais achetés localement, les 2 jours de mécénat de compétence offerts à tous nos collaborateurs, les exigences environnementales de création de nos maisons (en construction et en rénovation), notre principe de gouvernance collaborative, l’achat de nos mobiliers chez Emmaüs et dans les brocantes locales … Autant de marqueurs qui nourriront dans la durée l’esprit de service, l’attention, l’exigence et la bienveillance que nous voulons retrouver dans toutes les Maisons CetteFamille.

 

Avec le scandale Orpéa – mis en lumière par l’ouvrage Les Fossoyeurs : Révélations sur le système qui maltraite nos aînés, de Victor Castanet (2022, éditions Fayard) – les nouvelles alternatives aux hébergements collectifs (EHPAD, résidences services…) deviennent plus que nécessaires. Comment éviter ces dérives ? Etes-vous à l’abris de celles-ci ?

Le livre « Les Fossoyeurs » a montré les dérives de certains groupes mais il a surtout permis de réaffirmer l’impératif de changement dans l’accompagnement de vie de nos ainés. Il serait présomptueux d’affirmer qu’il n’y aura pas, un jour, dans une de nos maisons, un cas isolé regrettable. Pour autant, les dérives révélées par Vincent Castanet sont structurelles et liées à un modèle bien précis. Et ce modèle n’est pas celui des Maisons CetteFamille. En effet, notre modèle d’accompagnement, s’il vise à offrir un cadre de vie collectif, est construit autour de l’individu, de la personne âgée en perte d’autonomie. Les colocataires vivent ensemble, mais ils sont chez eux. Par exemple, l’horaire du coucher imposé n’a pas cours chez nous, car chacun est libre de se coucher à l’heure qu’il souhaite, dès lors qu’il ne porte pas atteinte à l’harmonie de la vie dans la maison. Cette dimension de liberté liée au domicile est essentielle. Mais seule, elle ne suffit pas à garantir une vie collective harmonieuse. CetteFamille, facilitateur de la vie partagée, a donc créé un Cadre de fonctionnement. Ce cadre instaure un conseil de maison, édicte les règles de vie partagée dans la maison, décrit les modalités de recrutement des assistant(e)s de vie, précise la place des familles dans le projet collectif, … Ce cadre est ainsi bâti qu’il permet à chaque maison d’être « singulière », le but étant justement que les colocataires ne dépendent d’une institution – et de la standardisation descendante qui va avec – mais d’être bels et bien les acteurs de leur projet de vie partagée. Ils décident par exemple ensemble de l’équipe qui les accompagne, des intervenants extérieurs (infirmiers libéraux, médecins, animations, associations…), ou plus simplement des menus de la semaine. Ainsi, notre modèle permet d’avoir une action ancrée dans la réalité de l’accompagnement de nos séniors au quotidien. Cet idéal de solution d’hébergement est pour nous la voie de l’avenir, en complément des dispositifs médicalisés existants qui restent bien sûr nécessaires, dans le parcours de vie de chaque personne âgée.

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